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Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/348

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LES ROUGON-MACQUART.

— Oh ! tu mens, tes mains sont glacées… Approche-toi ou je me fâche.

Puis, c’était lui qui s’inquiétait.

— Je parie qu’on ne t’a pas laissé de tisane… Je vais t’en faire, veux-tu ? Oh ! je sais très-bien la faire… Si je te soignais, tu verrais, tu ne manquerais de rien.

Il ne se permettait pas des allusions plus claires. Jeanne, vivement, répondait que la tisane la dégoûtait ; on lui en faisait trop boire. Pourtant, des fois, elle consentait à ce que M. Rambaud tournât autour d’elle, comme une mère ; il lui glissait un oreiller sous les épaules, lui donnait sa potion qu’elle allait oublier, la soutenait dans la chambre, pendue à son bras. C’étaient des gâteries qui les attendrissaient tous deux. Comme Jeanne le disait avec ses regards profonds dont la flamme troublait tant le bonhomme, ils jouaient au papa et à la petite fille, pendant que sa mère n’était pas là. Tout d’un coup, des tristesses les prenaient, ils ne parlaient plus, s’examinant à la dérobée, avec de la pitié l’un pour l’autre.

Ce jour-là, après un long silence, l’enfant répéta la question qu’elle avait déjà posée à sa mère :

— Est-ce loin, l’Italie ?

— Oh ! je crois bien, dit M. Rambaud. C’est là-bas, derrière Marseille, au diable… Pourquoi me demandes-tu ça ?

— Parce que, déclara-t-elle gravement.

Alors, elle se plaignit de ne rien savoir. Elle était toujours malade, on ne l’avait jamais mise en pension. Tous deux se turent, la grande chaleur du feu les endormait.

Cependant, Hélène avait trouvé madame Deberle et sa sœur Pauline dans le pavillon japonais, où elles passaient souvent les après-midi. Il y faisait très-