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LES ROUGON-MACQUART.

triomphante d’être elle-même en bonne santé. Hélène, abattue devant elle, souffrait d’une angoisse jalouse.

— Madame, murmura Jeanne un soir, pourquoi Lucien ne vient-il pas jouer ?

Juliette, un moment embarrassée, se contenta de sourire.

— Est-ce qu’il est malade, lui aussi ? reprit la petite.

— Non, ma chérie, il n’est pas malade… Il est au collége.

Et, comme Hélène l’accompagnait dans l’antichambre, elle voulut lui expliquer son mensonge.

— Oh ! je l’amènerais bien, je sais que ce n’est pas contagieux… Mais les enfants s’effrayent tout de suite, et Lucien est si bête ! Il serait capable de pleurer en voyant votre pauvre ange…

— Oui, oui, vous avez raison, interrompit Hélène, le cœur crevé à la pensée de cette femme si gaie, qui avait chez elle son enfant bien portant.

Une seconde semaine avait passé. La maladie suivait son cours, emportait à chaque heure un peu de la vie de Jeanne. Elle ne se hâtait point, dans sa foudroyante rapidité, mettant à détruire cette frêle et adorable chair toutes les phases prévues, sans la gracier d’une seule. Les crachats sanglants avaient disparu ; par moments, la toux cessait. Une telle oppression étouffait l’enfant, qu’à la difficulté de son haleine on pouvait suivre les ravages du mal, dans sa petite poitrine. C’était trop rude pour tant de faiblesse, les yeux de l’abbé et de M. Rambaud se mouillaient de larmes à l’écouter. Pendant des jours, pendant des nuits, le souffle s’entendait sous les rideaux ; la pauvre créature qu’un heurt semblait devoir tuer, n’en finissait