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UNE PAGE D’AMOUR.

ses épaules. Mais Jeanne, en se débattant, tira un coin du châle, déboutonna le haut du veston. Ils ne s’en aperçurent point. Ni l’un ni l’autre ne se voyait.

Cependant, l’accès se calma. La petite parut tomber dans un grand affaissement. Bien qu’il rassurât la mère sur l’issue de la crise, le docteur restait préoccupé. Il regardait toujours la malade, il finit par poser des questions brèves à Hélène, demeurée debout dans la ruelle.

— Quel âge a l’enfant ?

— Onze ans et demi, monsieur.

Il y eut un silence. Il hochait la tête, se baissait pour soulever la paupière fermée de Jeanne et regarder la muqueuse. Puis, il continua son interrogatoire, sans lever les yeux sur Hélène.

— A-t-elle eu des convulsions étant jeune ?

— Oui, monsieur, mais ces convulsions ont disparu vers l’âge de six ans… Elle est très-délicate. Depuis quelques jours, je la voyais mal à son aise. Elle avait des crampes, des absences.

— Connaissez-vous des maladies nerveuses dans votre famille ?

— Je ne sais pas… Ma mère est morte de la poitrine.

Elle hésitait, prise d’une honte, ne voulant pas avouer une aïeule enfermée dans une maison d’aliénés. Toute son ascendance était tragique.

— Prenez garde, dit vivement le médecin, voici un nouvel accès.

Jeanne venait d’ouvrir les yeux. Un instant, elle regarda autour d’elle, d’un air égaré, sans prononcer une parole. Puis, son regard devint fixe, son corps se renversa en arrière, les membres étendus et roidis. Elle était très-rouge. Tout d’un coup elle blêmit,