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lieu, on se persuade que l’architecture, en cette partie, fut soumise aux usages des différens cultes.

Les temples de l’Egypte sont sans contredit les plus considérables des édifices religieux qui aient été construits sur la terre ; mais il n’en est pas qui aient eu moins besoin de fenêtres.

Le temple égyptien étoit composé d’une vaste enceinte découverte ; de plusieurs grandes portes appelées propylées, séparées les unes des autres par des galeries en colonnes, & se divisant par deux massifs en forme de tours ; d’un pronaos flanqué de murs, orné intérieurement de plusieurs rangées de colonnes, dont les entre-colonnemens sont fermés par de petits murs jusqu’à moitié de la colonne, ou jusqu’aux deux tiers ; d’un naos qui se composoit lui-même de plusieurs pièces ; d’un secos, avec des corridors à l’entour. Il est sensible que le peuple n’étoit admis que dans certaines parties de ce vaste ensemble, & seulement dans les parties ouvertes, telles que le dromos de l’enceinte & les cours ou galeries des propylées. Les pièces du naos proprement dit, étoient trop petites, pour avoir pu recevoir le moindre concours de spectateurs on d’assistans.

Une autre raison s’opposoit en Egypte à la grande étendue des pièces intérieures ; c’est la méthode de plafonner en pierres de taille. En effet, quelque étendue qu’on donne à de tels matériaux, il ne peut en résulter que de très-modiques intérieurs. Les temples de l’Egypte paroissent d’ailleurs avoir été adaptés à un culte fort mystérieux. Il y a lieu de croire que le secos, autrement dit l’adytum ou le penetrale, étoit la demeure de l’animal sacré qui étoit le symbole vivant de la divinité du temple. Il entroit, on ne peut pas plus, dans les intérêts de ce culte de n’admettre que fort peu les regards de la curiosité sur des objets, dont le sens moral eut bientôt fait place au sens matériel.

Les temples égyptiens n’avoient donc, dans leurs pièces intérieures, besoin de la lumière du jour, qu’autant qu’il en falloit pour qu’elles ne fussent pas tout-à-fait obscures ; aussi ce que les voyageurs y ont trouvé & décrit de fenêtres, constate tout ce qu’on vient de dire. Par exemple, dans les grandes façades des propylées, divisées en deux tours, il se rencontre d’assez nombreures fenêtres qui éclairoient, soit les montées des escaliers pratiqués dans les massifs des tours, soit les pièces distribuées dans leurs parties supérieures ; mais généralement ces fenêtres ne sont que des ouvertures commandées par le besoin, & sans rapport avec la décoration. Les derniers voyageurs ont observé même, que ces ouvertures coupent les figures hiéroglyphiques, difposées sur les façades des murs par rangées horizontales, à peu près de la façon dont les jours ouverts sur la hauteur des colonnes Trajane et Antonine à Rome, pour éclairer l’escalier, coupent les figures des bas-reliefs sculptés autour du fût.

Les mêmes voyageurs ont fait mention de petites ouvertures plus étroites en dehors qu’en dedans, percées, soit dans les murs latéraux, soit même aussi dans les plafonds des pièces intérieures du naos, au moyen desquelles ces intérieurs recevoient une assez foible lumière. Voilà à peu près tout ce qu’on sait sur les fenêtres des temples en Egypte : d’où l’on peut conclure que leurs salles intérieures étoient assez obscures. Mais il paroit aissi qu’il y avoit fort peu d’objets qui eussent besoin d’être éclairés. Les figures hiéroglypbiques dont toutes ces surfaces étoient ordinairement remplies, ne formeroient point une objection sérieuse, puisque les tombeaux, destinés à une clôture éternelle, n’étoient ni moins décorés ni moins soigneusement sculptés que les édifices exposés à la vue ; ce qui fait qu’on peut douter que les sculptures ou peintures hiéroglyphes aient eu en Egypte la décoration pour objet.

Les temples des Grecs, dans leur disposition & leur décoration, ressemblent à ceux de l’Egypte sous le même rapport, & à peu près de la même façon que la religion grecque participe de la religion égyptienne. Il y a bien quelque chose de commun dans les idées originaires, mais ce principe commun étoit déjà fort peu aperçu dans l’antiquité. Or, en fait de religion, comme en fait d’art & d’architecture, la moindre déviation du point de départ produit à la longue de tels intervalles entre les objets, que le nœud qui les rassemble, échappe à toutes les recherches.

La religion en Egypte, soit qu’on la rapporte à l’adoration de la Divinité définie dans chacun de ses attributs par les qualités des êtres sensibles, soit qu’on prétende qu’elle eut pour objet le principe universel ou la puissance de la nature exprimée par les signes astronomiques des animaux figurés dans les planispheres ; cette religion, dis-je, paroit avoir renfermé dans ses sanctuaires différentes sortes d’animaux vivans, correspondans, selon les opinions reçues, aux différentes idées d’un système, soit de morale, soit d’astrologie. Le culte des animaux propres à l’Egypte étoit bien probablement un culte emblématique, & l’animal n’étoit lui-même qu’une allégorie.

On ne trouve point en Grèce le culte des animaux ; mais l’idée symbolique attachée à l’animal sacré de l’Egypte, semble avoir donné naissance au culte antropomorphique de la Grèce qui ne fit autre choie que substituer aux animaux, des êtres humains dont les attributs, les qualités & les propriétés furent originairement les memes : de-là une différence bien sensible dans ce qui formoit l’essentiel du temple. La partie principale du temple grec éloit la demeure d’un dieu sculpté sous forme humaine ; ce dieu, ouvrage on chef-d’œuvre de l’art, devoit être visible. L’intérieur du naos dut être par conséquent une pièce assez spacieuse, & jouissant d’une lumière suffisante pour éclairer la statue, & tous les objets de curiosité & de dévotion qu’on consacroit à la Divinité.