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Page:Encyclopédie méthodique - Arts Académiques.djvu/334

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solennelle dans les occasions particulières.

Les Portugais imaginèrent autrefois, & ont depuis mis souvent en pratique des ballets ambulatoires, dont l’appareil, la pompe, la magnificence ne le cèdent en rien aux spectacles que nous venons de décrire. La première idée leur en est venue des Tyrrhéniens ; & l’antiquité a donné à ce genre le nom de pompe tyrrhénienne.

La mer, le rivage, les rues, les places publiques sont les théâtres sur lesquels on fait voir successivement ces représentations. Je crois qu’on ne sera pas fâché d’en trouver ici une description exacte, & je vais, pour cette raison, en rapporter deux des plus célèbres.

On donna l’un de ces ballets ambulatoires à l’occasion de la canonifation du cardinal Charles Borromée, qui, sous le pontificat de Pie IV, avoit été protecteur du Portugal.

A trois milles du port de Lisbonne, sur le pont d’un gros vaisseau orné de voiles de différentes couleurs, de banderolles, de cordages de soie, on avoit élevé un superbe baldaquin d’étoffe d’or, sous lequel on avoit placé l’image du cardinal protecteur.

On supposoit qu’il venoît, pour la seconde fois, prendre la protection du royaume. Ainsi touts les vaisseaux du port magnifiquement appareillés vinrent jusqu’à cet endroit à sa rencontre, lui rendirent les honneurs de la mer, & toute cette flotte vogua ensuite en bon ordre jusqu’à la rade de Lisbonne, où elle entra au bruit de toute l’artillerie de la ville.

Les châsses de Saint Vincent & de Saint Antoine de Padoue furent portées en pompe jusqu’au port. On feignoit que ces deux principaux patrons du Portugal alloient en recevoir le protecteur.

Les châsses de ces deux saints portées par les grands de l’état, étoient suivies de touts les corps ecclésiastiques qui, au moment du débarquement, reçurent l’image de Charles, avec les transports de la plus vive joie, & au bruit du canon de la ville & des vaisseaux.

L’image fut placée tout de suite sur un riche brancard & entourée, en des positions subalternes, de toutes les images des autres saints particulièrement honorés en Portugal ; elles étoient toutes portées sur des brancards dorés, ornés de festons, de banderolles & de beaucoup de pierreries.

La marche alors commence : elle fut composée des différents corps religieux, des ecclésiastiques, de toute la noblesse & d’une foule innombrable de peuple.

Quatre chars d’une grandeur extraordinaire étoient distribués entre touts ces différents états. Le premier représentoit le palais de la renommée ; le second, la ville de Milan ; le troisiéme, le Portugal, le quatrième, l’Eglise.

Autour de chacune de ces machines roulantes, des troupes de danseurs exécutoient au son des plus éclatantes symphonies, les actions célèbres du saint, & ceux qui étoient autour du char de la renommée sembloient par leurs attitudes aller les apprendre à touts les peuples du monde.

Cette pompe passa du port dans la ville sous plusieurs arcs de triomphe. Les rues étoient parées des tapisseries les plus riches ; la terre étoit jonchée de fleurs. Sur des théâtres élevés en plusieurs quartiers de la ville, on voyoit exécuter des danses vives sur des symphonies qui exprimoient l’allégresse publique ; dans touts les détours des rues, une foule d’instruments de toutes les espèces étoient répandus sur des échafauds. On étala dans cette fête des richesses immenses. L’image seule du nouveau saint fut enrichie de plus d’un million de pierreries.

La béatification d’Ignace de Loyola donna lieu au second ballet de ce genre, qu’on se propose de rapporter.

Le 31 janvier 1610, après l’office solemnel du matin & du soir, sur les quatre heures après midi, deux cents arquebufiers se rendirent à la porte de Notre-Dame de Lorette, où ils trouvèrent une machine de bois d’une grandeur énorme qui représentoit le cheval de Troye.

Ce cheval commença dès lors à se mouvoir par des secrets ressorts, tandis qu’autour de ce cheval se représentoient en ballets les principaux événements de la guerre de Troye.

Ces représentations durèrent deux bonnes heures, après quoi on arriva à la place Saint Roch, où est la maison professe des Jésuites.

Une partie de cette place représentoit la ville de Troye avec ses tours & ses murailles. Aux approches du cheval, une partie des murailles tomba. Les soldats Grecs sortirent de cette machine, & les Troyens de leur ville, armés & couverts de feux d’artifices avec lesquels ils firent un combat merveilleux.

Le cheval jettoit des feux contre la ville, la ville contre le cheval ; & l’un des plus beaux spectacles fut la décharge de dix-huit arbres tous chaînés de semblables feux.

Le lendemain, d’abord après le dîné, parurent sur mer au quartier de Pampuglia, quatre brigantins richement parés, peints & dorés, avec quantité de banderoles & de grands chœurs de musique. Quatre ambassadeurs, au nom des quatre parties du monde, ayant appris la béatification d’Ignace de Loyola, pour reconnoitre les bienfaits que toutes les parties du monde avoient reçus de lui, venoient lui faire hommage & lui offrir des présens, avec le respect des royaumes & des provinces de chacune de ces parties.

Toutes les galères & les vaisseaux du port saluèrent ces brigantins. Etant arrivés à la place de la marine, les ambassadeurs descendirent, & montèrent en même temps sur des chars superbement ornés, & accompagnés de trois cents cavaliers, s’avancèrent vers le collège, précédés de plusieurs trompettes.

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