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Page:Encyclopédie méthodique - Arts Académiques.djvu/335

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Après quoi des peuples de diverses nations, vêtus à la manière de leurs pays, faisoient un ballet très-agréable, composant quatre troupes de quadrilles pour les quatre parties du monde.

Les royaumes & les provinces, représentés par autant de génies, marchoient avec ces nations ; & les peuples différens, devant les chars des ambassadeurs de l’Europe, de l’Asie, de l’Afrique & de l’Amérique, dont chacun étoit escorté de soixante-dix cavaliers.

La troupe de l’Amérique étoit la première, & entre ses danses elle en avoit une plaisante de jeunes enfans déguisés en singes, en guenons & en perroquets. Devant le char étoient douze nains montés sur des haquenées ; le char étoit tiré par un dragon.

La diversité & la richesse des habits ne faisoient pas le moindre ornement du ballet & de cette fête, quelques-uns ayant pour plus de deux cents mille écus de pierreries.

Des fêtes de la cour de France, depuis 1560 jusqu’en l’année 1610.

Les tournois & les carrousels, ces fêtes guerrières & magnifiques avoient causé à la cour de France en l’année 1559 un événement trop tragique, pour qu’on pût songer à les y faire servir souvent dans les réjouissances solemnelles. Ainsi les bals, les mascarades, & sur-tout les ballets, qui n’entraînoient après eux aucun danger, & que la reine Catherine de Médicis avoit connus à Florence, furent, pendant plus de cinquante ans, la ressource de la galanterie & de la magnificence françoise.

L’ainé des enfans de Henri II ne régna que dix-sept mois. Il en coûta peu de soins à sa mère pour le distraire du gouvernement que son imbécillité le mettoit hors détat de lui disputer ; mais le caractère de Charles IX, prince fougueux qui joignoit à quelque esprit un penchant naturel pour les beaux arts, tint dans un mouvement continuel l’adresse, les ressources, la politique de la reine. Elle imagina fêtes sur fêtes, pour lui faire perdre de vue sans cesse le seul objet dont elle auroit dû toujours l’occuper.

Henri III devoit tout à sa mère, & il n’étoit point naturellement ingrat. Il avoit la pente la plus forte au libertinage, un goût excessif pour le plaisir, l’esprit léger, le cœur gâté, l’ame faible. Catherine profita de cette vertu & de ces vices pour arriver à ses fins. Elle mit en jeu les festins, les bals, les mascarades, les ballets, les femmes les plus belles, les courtisans les plus libertins. Elle endormit ainsi ce prince malheureux sur un trône entouré de précipices. Sa vie ne fut qu’un long sommeil embelli quelquefois par des images riantes, & troublé plus souvent par des songes funestes.

Pour remplir l’objet que je me propose ici, je crois devoir choisir parmi le grand nombre de fêtes qui furent imaginées durant ce règne, celles qu’on donna en 1581 pour le mariage du duc de Joyeuse & de Marguerite de Lorraine, belle-sœur du roi. En retraçant l’idée de la galanterie de ce temps, elles font voir que, la danse fut un art connu des François avant tous les autres, comme il l’avoit été autrefois des Grecs & des Romains. Je ne fais au reste, que copier d’un historien contemporain les détails que je vais écrire.

Le lundi 18 septembre 1581, le duc de Joyeuse & Marguerite de Lorraine, fille de Nicolas de Vaudemont, & sœur de la reine, furent fiancés en la chambre de la reine, & le dimanche suivant furent mariés à trois heures après midi en la paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois.

« Le roi mena la mariée au moustier suivie de la reine, princesses & dames tant richement vêtues, qu’il n’est mémoire en France d’avoir vu chose si somptueuse. Les habillemens du roi & du marié étoient semblables, tant couverts de broderies, de perles, pierreries, qu’il n’étoit possible de les estimer ; car tel accoutrement y avoit qui coûtoit dix mille écus de façon ; & toutes fois aux dix-sept festins qui, de rang & de jour à autre, par ordonnance du roi, furent faits depuis les nôces, par les princes & seigneurs parens de la mariée & autres des plus grands de la cour, touts les seigneurs & dames changèrent d’accoutrements, dont la plupart étoient de toile & de drap d’or & d’argent enrichis de broderies & de pierreries en grand nombre & de grand prix.

La dépense y fut si grande, y compris les tournois, mascarades, présens, devises, musique, livrées, que le bruit étoit que le roi n’en seroit pas quitte pour douze cents mille écus. Ce qui revient à près de sept millions de notre monnoie.

Le mardi 18 octobre, le cardinal de Bourbon fit son festin de nôces en l’hôtel de son abbaye Saint-Germain-des-Prés, & fit faire à grands frais, sur la rivière de Seine, un grand & superbe appareil d’un grand bac accommodé en forme de char triomphant, dans lequel le roi, princes, princesses & les mariés devoient passer du Louvre aux Prés-aux-Clercs, en pompe moult solemnelles, car ce beau char triomphant devoit être tiré par-dessus l’eau par d’autres bateaux déguisés en chevaux marins, tritons, dauphins, baleines & autres monstres marins en nombre de vingt-quatre, en aucuns desquels étoient portés à couvert au ventre desdits monstres, trompettes, clairons, cornets, violons, hautbois, & plusieurs musiciens d’excellence, même quelques tireurs de feux artificiels, qui, pendant le trajet, devoient donner maints passe-temps, tant au roi qu’à cinquante mille personnes qui étoient sur le rivage ; mais le mystère ne fut pas bien joué, & ne put-on faire marcher les animaux ainsi qu’on l’avoit projetté, de façon que le roi ayant attendu depuis quatre heures du soir jusqu’à sept aux thuilleries, le mouvement & acheminement de ces animaux sans en appercevoir