Page:Encyclopédie méthodique - Arts Académiques.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
BAL BAL


personnage étoit caractérisé par une jambe de bois qui le faisoit clocher en marchant, par un habit composé de plusieurs masques, & par une lanterne sourde qu’il portoit à la main.

La quatrième entrée étoit composée du sommeil, qui conduisoit les habitants des montagnes ombrageuses ; les songes agréables, les funestes & les plaisans le suivoient, & ils dansèrent des pas ingénieux de ces divers caractères.

Dans ce moment, le son des trompettes & des timballes se fit entendre, & une femme modestement parée descendit des Alpes. Elle représentoit la véritable renommée. Neuf cavaliers richement vêtus à la françoise marchoient sur ses pas. Ils chassèrent du théâtre les quadrilles précédents qui s’en étoient emparés, & la renommée leur laissa libre, après son récit, le champ de la gloire.

Des vers Italiens qu’elle fit pleuvoir en s’envolant sur l’assemblée, apprenoient que c’étoit à la fortune & à la valeur du roi de France que la gloire étoit due, & que ses ennemis n’en avoient que l’apparence.

Le grand ballet qui fut dansé par la troupe leste qui avoit suivi la renommée, exprimoit cette vérité par un pas de joie noble & vive qui termina ce grand spectacle.

C’est par cette galanterie ingénieuse que le cardinal de Savoie se vengea de la fausse opinion que les courtisans de Louis XIII avoient prise d’une nation spirituelle & polie, qui excelloit depuis longtemps dans un genre que les François avoient gâté.

Le cardinal de Richelieu portoit dans tout ce qu’il faisoit l’amour du grand. Il le cherchoît dans les arts, & il l’y auroit trouvé peut-être, s’il n’avoit pas été entouré de talens médiocres, qu’il crut supérieurs, parce qu’ils lui disoient sans cesse qu’il l’étoit lui-même. La basse plaisanterie, les danses ridicules, les pas d’un comique grossier qui occupoient les courtisans dans les fêtes d’éclat, devoient nécessairement lui déplaire ; mais c’etoit moins par goût pour le bon, que par antipathie pour le bas. Il lui auroit été impossible de prendre le ton à la mode ; mais il ne lui étoit pas aisé d’en donner un meilleur. Il n’aimoit point Corneille, & il estimoit Desmarets ; c’est-à-dire, qu’avec les parties précieuses d’un génie supérieur pour le gouvernement qu’il possédoit à un degré éminent, il lui auroit fallu encore, pour pouvoir rendre les arts florissans, cette finesse de discernement, ce sentiment délicat du vrai, qui peuvent seuls apprécier avec une justesse prompte & sûre les talens des artistes.

L’esprit de ce grand homme se refusoit au bas, & dans le même temps il se perdoit dans le phébus. Le goût l’auroit arrêté dans le milieu de ces deux extrémités également vicieuses. On démêle quel étoit son penchant naturel pour le grand, & son peu de justesse dans les choses de pur agrément par le ballet qu’il donna au roi dans le palais cardinal le 7 fevrier 1641 ; il eut pour titre la prospérité des armes de la France. On en publia le sujet avec cet avertissement ampoulé. Après avoir reçu tant de victoires du ciel, ce n’est pas assez de l’avoir remercié dans les temples ; il faut encore que le ressentiment de nos cœurs éclate par des réjouissances publiques. C’est ainsi que l’on célèbre les grandes fêtes. Une partie du jour s’emploie à louer Dieu, & l’autre aux passe-temps honnêtes. Cet hiver doit être une longue fête après de longs travaux.

Non-seulement le roi & son grand ministre qui ont tant veillé & travaillé pour l’agrandissement de l’état, & touts ces vaillans guerriers qui ont si valeureusement exécuté ses nobles desseins, doivent prendre du repos & des divertissements ; mais encore tout le peuple doit se réjouir, qui, après ses inquiétudes dans l’attente des grands succés, ressent un plaisir aussi grand des avantages de son prince, que ceux même qui ont le plus contribué pour son service & pour sa gloire.

L’harmonie fit le récit du premier acte, & l’enfer s’ouvrit. L’orgueil, l’artifice, le meurtre, le desir de régner, la tyrannie & le désordre formèrent la première entrée, & Pluton, suivi de quatre démons, fit la seconde. La troisième fut composée de Proserpine & des trois parques. On vit paroître alors les furies armées de leurs serpens, dans le même temps qu’un aigle descendoit des nues, & que deux énormes lions sortoient d’une horrible caverne.

Les furies approchent, touchent l’aigle & les lions, leur inspirent les fureurs dont elles sont animées ; l’enfer se referme & la terre reparoît.

Mars & Bellone, la Renommée & la Victoire dansèrent la cinquième & la sixième entrée. L’Hercule françois qui parut dans ce moment au milieu de ces quatre personnages, dansa la septième. Il fit disparoître l’aigle en le touchant d’une flèche, & il abattit les lions de deux coups de massue. Le ballet devint alors général, & ce pas termina le premier acte.

Le théâtre au second représentoit les Alpes couvertes de neiges, & l’Italie sur une de ces montagnes fit le lécit. Après qu’elle se fut retirée, les Alpes s’ouvrirent. On vit dans l’éloignement la ville de Cazal, les retranchemens des Espagnols & le camp des François.

Quatre fleuves d’Italie qui appelloient ces derniers dansèrent la première entrée. Quatre François qui couroient à leur secours firent la seconde. Quatre Espagnols, après avoir dansé la troisième, se retirèrent dans leurs retranchemens, où les François les attaquent & les forcent. La fortune les suit, portant les armes de la France, & fait la quatrième entrée.

Aussitôt, & sans autre à-propos, le théâtre change & représente Arras. On voit les Flamands avec des pots de bierre, qui viennent recevoir les François, & ceux-ci entrent dans la ville, malgré les efforts des Espagnols. Alors Pallas, déesse de