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Page:Encyclopédie méthodique - Arts Académiques.djvu/379

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senté mille fois à eux & qu’ils redoutent encore ; mais quelle est leur surprise, lorsqu’ils se sentent étroitement embrassés ! Ils reconnoissent Dorval, ils se jettent dans ses bras ; leurs yeux croient à peine ce qu’ils voient ; touts trois ne peuvent se séparer ; l’excès de leur bonheur est exprimé par toutes les démonstrations de la joie la plus pure ; ils s’inondent de leurs larmes, & ces larmes sont des signes non équivoques des sentiments divers qui les agitent. Ici leur situation change. Un sauvage présente à Dorval le poignard qui doit percer le cœur de Constance, & lui ordonne de le lui plonger dans le sein. Dorval indigné d’un ordre aussi barbare, saisit ce fer & veut en frapper le Misogynien ; mais Constance s’échappant des bras de son amant, suspend le coup que son frère alloit porter : le sauvage saisit cet instrument, il désarme Dorval & veut percer le sein de celle qui vient de lui sauver la vie. Clairville arrête le bras du perfide, il lui arrache le poignard. Dorval & Clairville également révoltés de la férocité & de l’inhumanité des habitants de cette isle, se rangent du côté de Constance ; ils la tiennent étroitement serrée dans leurs bras ; leurs corps sont un rempart qu’ils opposent à la barbarie de leurs ennemis, & leurs yeux étincelants de colère semblent défier les Misogyniens. Ceux ci furieux de cette résistance, ordonnent aux sauvages qui ont des massues d’arracher la victime des bras de ces deux étrangers, & de la traîner à l’autel. Dorval & Clairville encouragés par le danger, désarment deux de ces cruels ; ils se livrent au combat avec fureur & avec audace, & viennent à chaque instant se rallier auprès de Constance ; ils ne la perdent pas un moment de vue. Celle-ci tremblante & désolée, craignant de perdre deux objets qui lui sont également chers, s’abandonne au désespoir. Les sacrificateurs aidés de plusieurs sauvages s’élancent sur elle & l’entraînent à l’autel. Dans ce moment elle rappelle tout son courage, elle lutte contr’eux ; elle se saisit du poignard d’un des sacrificateurs, elle l’en frappe. Délivrée pour un instant, elle se jette dans les bras de son amant & de son frère ; mais elle en est arrachée. Elle s’échappe de nouveau, & y revole encore. Cependant, ne pouvant résister au nombre, Dorval & Clairville presque mourants & accablés, sont enchaînés ; Constance est entraînée au pied de cet autel, trône de la barbarie. Le bras est prêt à tomber, lorsqu’un dieu protecteur des amants arrête le bras du sacrificateur, en répandant un charme sur cette isle, qui en rend touts les habitants immobiles. Cette transition des plus grands mouvemenrs à l’immobilité, produit un effet étonnant. Constance évanouie aux pieds du sacrificateur, Dorval & Clairville voyant à peine la lumière, sont renversés dans les bras de quelques sauvages.

Cette scène, en remontant à l’arrivée de Constance & de Clairville, offre une reconnoissance touchante ; le coup de théâtre qui la suit est intéressant. Ce n’est point un intérêt particulier qui détermine les combattants. Constance craint moins pour ses jours, que pour ceux de son amant & de son frère ; ceux-ci veillent moins à leur conservation qu’à celle de Constance. S’ils reçoivent un coup, c’est pour parer celui que l’on porte à l’objet de leur tendresse. Cette scène, longue à la lecture, est vive & mimée à l’exécution ; car vous savez qu’il faut moins de temps pour exprimer un sentiment par le geste, qu’il n’en faut pour le peindre par le discours : ainsi lorsque l’instant est bien choisi, l’action pantomime est plus chaude, plus animée & plus intéressante que celle qui résulte d’une scène dialoguée. Je crois que celle que je viens de vous montrer dans une perspective éloignée, porte un caractére, auquel l’humanité ne peut être insensible, & qu’elle est en droit d’arracher des larmes & de remuer fortement touts ceux dont le cœur est susceptible de sentiment & de délicatesse.

Le jour devient plus beau, les flots irrités s’abaissent, le calme succède à la tempête, plusieurs tritons & plusieurs nayades folâtrent dans les eaux ; un vaisseau richement orné paroît sur la mer.

L’amour, sous la forme d’un corsaire, le commande ; les jeux & les plaisirs sont employés aux différentes monœuvres ; une troupe de nymphes vêtues en amazones, sont les loldats qui servent sur ce bord : tout est élégant, tout annonce & caractérise enfin la présence de l’enfant de Cythere.

Il aborde ; l’Amour fait jetter l’ancre, il descend de son bord ; les nymphes, les jeux & les plaisirs les suivent ; & en attendant les ordres de ce dieu, cette troupe légère se range en bataille. Les Misogyniens reviennent de l’extase & de l’immobilité dans laquelle l’Amour les avoit plongés. Un de ses regards rappelle à la vie Constance. Dorval & Clairville ne doutant point alors que leur libérateur ne soit un dieu, se prosternent à ses pieds. Les sauvages irrités de voir leur culte profané, lèvent tous les massues pour massacrer & les adorateurs & la suite de l’enfant de Cythère ; ils tournent même leur rage & leur fureur contre lui ; mais que peuvent les mortels lorsque l’amour commande ? un seul de ses regards suspend touts les bras armés des Misogyniens. Il ordonne que l’on renverse leur autel, que l’on brise leur infâme divinité ; les jeux & les plaisirs obéissent à sa voix, l’autel s’ébranle sous leurs coups, la statue s’écroule & se rompt par morceaux. Un nouvel autel paroit & prend la place de celui qui vient d’être détruit. Il est de marbre blanc ; des guirlandes de roses, de jasmin & de myrte ajoutent à son élégance ; des colonnes sortent de la terre pour orner cet autel, & un baldaquin artistement enrichi & porté par un grouppe d’amours descend des cieux. Les extrémités en sont soutenues par des zéphirs qui les appuient directement sur les quatre colonnes qui entourent

l’autel ;