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imagina l’avoir trouvé dans un éstablissement de mesures & de proportions qui, différentes dans chaque figure, ainsi que pour chaque partie en particulier, mais toujours fixes, mettroient celui qui en seroit pleinement instruit & qui y auroit recours, en état de pouvoir exprimer avec la plus scrupuleuse exactitude ce qu’il auroit sous les yeux, & ne lui permettroit pas de s’éloigner en rien des formes données. Il ne redoutoit plus après cela aucuns écarts. Il sentoit bien qu’il y avoit dans cet assujettissement quelque chose de méchanique ; mais il devenoit nécessaire pour contenir une jeunesse, toujours prête à s’échapper & à prendre des licences, & il en pouvoit parler plus savamment que personne. De toutes les Ecoles, la sienne étoit peut-être celle qui, plus libertine, demandoit une plus prompte réforme.

Quoiqu’il en soit, après avoir amené les Elèves au point de dessiner les figures antiques avec facilité, & dans toute la précision ; après les avoir accoûtmés à calculer sans difficulté les nombres qui constituent les proportions de ces figures, & à en rendre compte toutes les fois qu’on l’exigeroit d’eux, il les introduisoit dans la saile du Modèle, où, les ayant fait asseoir & leur ayant mis le crayon à la main, il ne leur demandoit plus que de l’assiduité & de la persévérance, & surtout un respect inviolable pour les Réglemens.

Ces Réglemens, qui avoient pour principal objet l’étude d’après le Modèle, avoient été arrêtés dans les Assemblées précédentes, & Bourdon qui en connoissoit la sagesse, étoit fort élegné de proposer qu’on y fit aucun changement aucune innovation. Une nouvelle idée vint cependant le frapper, & il ne put se refuser d’en faire part à la Compagnie. Il lui fit entendre qu’il seroit à souhaiter, qu’après avoir dessiné une figure d’après nature & y avoir mis tout ce qu’il savoit faire, le même Etudiant fit un autre trait de cette figure, sur un papier à part. Il supposoit cet Etudiant encore plein de l’Antique, & il demandoi qu’en faisant cette seconde opération, le jeune Dessinauteur cherchât dans ce nouveau trait, à donner à sa figure le caractère de quelque figure antique, de l’Hercule-Commode, par exemple, ou bien de telle autre statue dont il se sentiroit plus particulièrement affecté & qui seroit plus sraîchement imprimée dans sa mémoire ; qu’il vérifiât ensuite, le compas à la main, si ce qu’il avoit dessiné d’après nature étoit dans les mesures que donnoit l’Antique, & supposé qu’il différât en quelqu’endroit, il exhortoit l’Elève de se corriger & de s’assujettir à des mesures dont on pouvoit d’autant plus sûrement lui répondre, qu’elles sont justes & n’ont rien d’arbitraire dans l’Antique.

Bourdon ne proposoit cette méthode, que parce qu’il étoit persuadé qu’il applanissoit par-là bien


des difficultés, & que les Elèves alloient faire avec elle de grands & de rapides progrès. Pour être mieux fondé dans son sentiment, il en avoit conféré avec l’illustre Poussin, & il se trouvoit muni de l’approbation de ce grand-homme. C’étoit son oracle, & pouvoir-il en consulter un qui fût plus sûr ? Il eut encore recours à lui, lorsque non-content des mesures des plus belles statues antiques qu’il avoit prises lui-même, étant à Rome, il chargea Mosnier, son disciple, qui alloit dans cette ville, d’y mesurer de nouveau ces statues. Il lui avoit enseigné la méthode qu’il devoit mettre en pratique & dont il étoit sûr, pour en avoir déjà fait lui-même l’épreuve. Il ne voulut pourtant pas que son Elève entreprît rien que de concert avec le Poussin, & il eut la satisfaction d’apprendre que l’habile Artiste dont il recherchoit l’avis, avoit fort goûté la justesse & la simplicité de sa méthode, que l’entreprise n’avoit pas été moins de son goût, & que tout usé qu’il étoit par le travail & par les années, l’amour de l’Art lui avoit fait retrouver de nouvelles forces ; & ce fut en effet avec les propres instrumens & presque sous les yeux & la direction du bon-homme que l’opération se fit. J’ai voulu laisser subsister l’expression de Bourdon dans toute sa simplicité.

Mosnier rapporta à son maître les principales figures antiques mesurées avec une exactitude & une précision qui ne laissoient rien à desirer, & Bourdon en choisit quatre qu’il offrit dans la séance du 5 Juillet 1670 & qu’il pria la compagnie de lui permettre d’exposer dans l’Ecole de l’Académie. On les y a vues pendant longtems ; mais à force de passer par les mains des Eléves qui les copoient ou qui les consultoient, ces dessins se sont entièrement détruits & ont disparu. Le souvenir du bienfait n’en est pas gravé moins profondément dans votre mémoire, il ne s’en effacera jamais. Est-il rien de plus flatteur ni de plus propre à encourager ceux qui vous sécondent dans l’exercice des travaux pénibles de cette Ecole, & qui sacrifient leur tems à l’éducation de votre jeunesse ?

Et vous, Monsieur, ne vous lassez point de leur être favorable. Faites valoir cet amour & ce goût que vous avez pour les Beaux-Arts. Que les Maîtres & les Elèves continuent de trouver en vous un protecteur & un père. Quelque grande que soit la perte qu’ils ont faite, vous pouvez la réparer ; & ce que nous osons vous demander encore, c’est que vous honoriez le plus souvent qu’il vous sera possible, nos Assemblées de votre présence. Vous y êtes assis dans une place où s’est vû le grand Colbert. Il aima l’Académie qui étoit son ouvrage, & par un retour de sentiment, toutes les fois qui il s’y fit voir, elle parut animée du même zéle & du même esprit qui faisoit agir ce sage Ministre. Elle ne fut occupée, comme lui que de la gloire de son Prince, de celle