Aller au contenu

Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CON CON 131


de la nation, de la sienne propre. Montrez-vous, Monsieur, & vous éprouverez les mêmes effets ; une douce joie s’emparera de tous les cœurs, l’émulation augmentera, les ouvrages y gagneront ; vous maintiendrez l’ordre qui fait toute la force de l’académie. Elle en sera plus digne d’approcher du trône, & de mériter, sous vos auspices, les bienfaits & la protection de notre auguste Monarque. (Article de M. Watelet).

COMPOSITION. (s. f.) Suivant son étymologie ce mot signifie l’action de mettre ensemble plusieurs choses, plusieurs objets, plusieurs substances. La composition, dans les arts, consiste dans l’agencement des objets que l’imagination a conçus. On se sert du terme de composition en parlant d’une seule figure, parce qu’une figure n’est pas une chose simple ; elle est composée de parties qui peuvent être présentées d’un grand nombre de manieres différentes : souvent elle est drappée, souvent encore elle est accompagnée d’accessoires. L’art de la composition, dans une seule figure, consiste en ce que ses traits, son attitude, les mouvemens de tous ses membres, les accessoires, les draperies concourent à l’expression qu’on veut lui donner, & forment en même temps un tout digne de plaire au spectateur.

Avant de traiter un sujet fourni par la fable ou par l’histoire, il faut lire & relire avec soin l’auteur qui l’a traité, en connoître les circonstances, s’en pénétrer fortement, & se représenter enfin les divers instans offerts par ce sujet, pour choisir celui qui est le plus favorable à l’art. L’historien, le poëte représentent des instans successifs ; le peintre n’en représente qu’un seul dans un tableau : c’est à bien saisir cet instant, à le fixer dans son imagination comme ille fixera sur la toile, qu’il doit forcer toutes les facultés de son ame.

Pour donner aux personnages qu’on se propose de représenter le caractère de physionomie & l’attitude qui leur convient, il faut bien connoître leurs caractères. Les hommes fiers, modestes, audacieux, timides, francs, dissimulés, légers, profonds, n’ont pas la même physionomie, le même geste, le même maintien. Marius & César mirent sous leur joug la république romaine ; mais César, consiant, aimable, clément, ami des lettres, ne pouvoit ressembler au sombre, au farouche, au cruel Marius qui avoit conservé toute la rudesse de son origine. Annibal & Scipion furent deux généraux peut-être également habiles : mais la différence de leur caractère ne permet pas au peintre de leur donner les mêmes traits. L’historien nous décrit le caractere des hommes ; le peintre ne peut nous montrer que leur extérieur : il doit nous faire connoître par cet extérieur ce que l’historien nous apprend par ses descriptions.

Si le sujet qu’il veut traiter est grand, noble


& fier (& c’est à de tels sujets qu’il doit sur-tout consacrer ses talens), qu’il monte son ame à la noblesse, à la grandeur sublime des héros qu’il veut reproduire. Si pour représenter de grands hommes il se borne aux ressources techniques de son art, il ne fera de son art qu’un métier. Le peintre est un poëte : la premiere qualité qui lui est necessaire est cette sensibilité qui lui fait eprouver les passions de tous les personnages qu’il fait agir. Vous voulez faire revivra Curtius ; ne vous hâtez pas de prendre le pinceau ; attendez que, par un noble enthousiasme, vous vous sentiez disposé vous-même à vous dévouer pour la patrie.

Choisissez-vous un sujet gracieux ? N’occupez votre esprit que d’images riantes ; lisez des poésies agréables, n’ouvrez votre ame qu’aux douces passions, ne promenez vos regards ou votre esprit que sur des sites gracieux. Pour peindre Lesbie, il faut être Catulle.

En même-temps, instruisez-vous des vêtemens que portoient vos personnages, du pays où ils vivoient, du caractère distinctif du peuple dont ils faisoient partie. En un mot, avant d’esquisser votre sujet, soyez en état de vous le peindre à vous-même avec tous ses accessoires. Vous risqueriez de perdre des parties de votre composition qui vous causeroient du regret, & de ne réparer que froidement des sacrifices nécessaires, si après avoir vêtu vos figures d’amples draperies, vous étiez ensuite obligé de leur donner des draperies serrées, ou de suppléer à de riches étoffes par des étoffes légères.

Il est bien essentiel que le site réponde au sujet, sauvage, austère, majestueux, riant, suivant la scène qui doit s’y passer ; car tout doit concourir à l’impression que l’artiste veut exciter dans l’ame du spectateur. Mais que la décoration, convenable à l’événement, lui soit subordonnée, & ne partage pas l’attention : que le peintre d’histoire sache exécuter, comme objets secondaires, de l’architecture, des ruines, du paysage, des fleurs ; mais qu’il ne se montre pas principalement peintre de fleurs, de paysge, de ruines, d’architecture.

Il doit se procurer des notions sur le pays où s’est passée la scène qu’il veut représenter, & le faire reconnoître par les plantes & les arbres naturels au climat, par le caractère de l’architecture, par celui des ouvrages de l’art. Si la scène se passe en Égypte, qu’on y voye des pyramides ou des satues égyptiennes, & non les statues ou les ordres de la Grèce.

Des maîtres instruits par une longue pratique ont conseillé de faire plusieurs esquisses de la composition que l’on se propose de traiter ; d’abord une très-légère, où soient indiqués seulement les principaux objets ; une seconde où l’on puisse reconnoître par des traits caractéristiques dans quelle contrée l’action s’est passée,


R ij