Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CON CON 133


les mêmes raccourcis. Il faut chercher autant qu’il est possible à faire paroître les belles parties du corps. Si la composition générale décrit un demi cercle, ou concave, ou convexe, elle se développe mieux à l’œil du spectateur, que si elle étoit tracée sur une ligne droite.

Ecoutons encore le professeur que, nous avons déjà cité. « Un beau grouppe, ce sont ses termes, doit ressembler à une grappe de raisin. Il est la collection de plusieurs parties réunies par des liens pittoresques qui ne forment qu’un seul tout. Il doit avoir sa chaîne, c’est-à-dire, des objets qui s’échappent avec adresse de la masse du grouppe, & servent à le lier avec les grouppes voisins, ou avec d’autres figures qui l’agrandissent. Tous les grouppes doivent avoir leur soutien ; on nomme ainsi les grouppes subordonnés qui font la balance, la pondération, l’équilibre du tour ensemble, & qui concourent à faire valoir le grouppe capital. »

Il faut convenir qu’excepté le grand principe de l’unité de sujet & d’intérêt, toutes les règles de composition ne sont que des conseils qu’il est bon de se rappeller souvent, mais qu’on ne s’astreint pas à suivre toujours, L’un dés quatre tableaux de Rubens, qui représenrent la chûte des anges rebelles, n’offre ni une figure pyramidale, ni une grappe de raisin. L’ensemble général donneroit plutôt l’idée d’un paquet d’intestins retenus au sommet par un lien invisible ; c’est une des plus fougueuses conceptions du génie pittoresque. Il y a de très-belles compositions sur une ligne droite ; d’autres qui décrivent un croissant, ensorte que les deux côtés de l’ordonnance sont beaucoup plus élevés que le centre ; d’autres encore qui manquent d’équilibre & ne chargent qu’un des côtés du tableau.

Des figures nobles doivent être noblement drappées : cela ne signifie pas qu’elles doivent être richement vêtues. Les dessins des riches étoffes, l’éclat de l’or & des pierres précieuses arrêtent trop l’attention des spectateurs, qui alors, comme dans la société, risquent de faire moins d’attention aux personnes qu’aux habits. Si le peintre d’histoire multiplie les ornemens & les parures, pour montrer son talent à représenter ces objets, il devient peintre de genre. Les sujets de l’histoire ancienne ne permettent pas l’emploi des riches étoffes, à moins que la scène ne se passe dans une Cour Asiatique : encore voyons-nous que le Poussin a répandu dans son tableau d’Esther devant Assuérus une richesse bien différente de celle des étoffes.

Un précepte utile seroit de n’admettre dans un tableau que les grouppes qui sont essentiellement nécessaires au sujet, & qu’autant de grouppes qu’il en faut pour concourir à l’effet de l’action. Je crois que le peintre qui se distingueroit par une exquise pureté de dessin, par


l’exactitude de l’expression, & qui approcheroit le plus qu’il est possible de la beauté, ne devroit pas multiplier dans ses tableaux les grouppes & les figures. Comma ses figures nous attacheroient fortement, il devroit nous laisser le moyen de savourer notre jouissance en ne la partageant que sur un petit nombre d’objets. S’il les multiplioit, son art l’obligeroit à en sacrifier une partie pour n’appeller le spectateur qu’au principal grouppe, à la principale figure, & il ne pourroit faire aucun sacrifice sans nous inspirer des regrets.

« La beauté ètoit en si grande estime chez les anciens Grecs, dit Rapnaël Mengs, qu’ils ne regardoient comme digne d’être imité que ce que la nature leur offroit de plus beau : on peut dire que c’est ce peuple qui a créé & perfectionné le beau style. Le soin singulier que leurs meilleurs artistes donnèrent à cette. partie leur fit négliger les grandes compositions qui font la gloire de quelques artistes modernes. Les tableaux de leurs plus célèbres maîtres étoient en général composés d’un très-petit nombre de figures, & leurs compositions, quoique pleines de génie, ne contenoient pas un grand nombre d’objets. Par les ouvrages qui nous restent des Grecs, il est facile de s’appercevoir que, dans leurs grandes compositions mêmes, ils s’appliquoient plus à rendre parfaite chaque figure en particulier, qu’à en former un bon ensemble. Si les anciens peintres ne mettoient pas beaucoup de figures dans leurs ouvrages, c’est qu’ils sertoient qu’un objet beau & parfait par lui-même, n’est pas dans son vrai jour, s’il n’est pas avantageusement placé. En effet la multiplicité d’objets nous empêche de jouir de la perfection du sujet principal. »

« Mais quand au commencement du quatorzième siècle, la Peinture commença, pour ainsi dire, à renaître en Italie ; les Peintres s’occupèrent à peindre des murs d’église, des cimetières, des chapelles : ils représentoient les mystères de ja passion, ou d’autres semblables sujets. Il s’offrit donc un vaste champ pour rendre la Peinture plus abondante que parfaite ; & chez les modernes, cet Arta conservé beaucoup de défauts de ces premiers essais. Aussi, de nos jours, n’est-il pas nécessaire que l’artiste cherche à satisfaire, comme chez les Grecs, des hommes instruits & des Philosophes : Il suffit de plaire aux yeux des gens riches, & d’une multitude grossière & ignorante. Delà vient que nos Artistes, au lieu de chercher à atteindre à la perfection de l’Art, ont recours à l’abondance & à la facilité ; parce que ce sont les parties les plus propres à être appréciées par les Amateurs, pour qui la plupart des ouvrages sont destinés. »