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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/380

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ouvrages des arts, il se dit de l’apparence qui résulte de ces ouvrages, & se prend en bonne ou mauvaise part : ce tableau est d’un bel effet, cette lumière est d’un effet trop dur. Mais quand il n’est restreint par aucune épithète, il se prend toujours en bonne part. C’est louer un tableau que de dire qu’il fait de l’effet.

Docti rationem artis intelligunt, indocti voluptatem. (Les savans comprennent la raison de l’art ; les ignorans n’en sentent que le plaisir.) l’effet pour celui qui considère un ouvrage de peinture est la sensation ou le sentiment que cet ouvrage lui cause ; peur l’artiste, l’effet est ce qui doit résulter des différentes parties de l’art qu’il exerce.

Il est inutile de s’étendre sur la première signification de ce mot. La sensation & le sentiment qu’éprouvent ceux qui regardent des tableaux dépendent d’une infinite de choses qui leur sont absolument relatives, indépendamment de celles qui regardent l’artiste.

Quant à l’effet observé relativement au peintre, voici quelques réflexions qu’il est bon de suggérer à ceux qui ne sont point assez avancés pour les avoir faites. L’art de la peinture est composé de plusieurs parties principales, chacune de ces parties est destinée à produire une impression particuliere, qui est son effet propre.

L’effet du dessin est d’imiter les formes ; celui de la couleur, de donner à chaque objet la nuance qui le distingue des autres ; le clair-obscur imite les effets de la lumière, & ainsi des autres parties de l’art. La réunion de ces différens effets particuliers cause une impression qu’on nomme l’effet du tout ensemble.

Il est donc essentiel pour parvenir à conduire un tableau à un effet juste & général á une unité d’effet, que toutes ses parties tendent à un seul point. Mais quelle est la partie de l’art qui doit commander, qui doit fixer le but auquel toutes doivent tendre & arriver ? C’est l’invention, puisque c’est elle qui agit la première dans ; l’esprit du peintre, lorsqu’il médite un ouvrage & que celui qui commenceroit à peindre, sans avoir bien décidé qu il représentera, ressembletoit à un homme qui voudroit regarder avant d’avoir ouvert les yeux. C’est l’invention qui règne sur tous les genres de peindre ; c’est elle qui les a créés & qui les reproduit ; elle doit donc décider de l’effet qui doit résulter de chacun de ces genres.

L’effet du tableau d’histoire consiste dans l’expression exacte des actions & des passions ; celui du portrait, dans la ressemblance des traits ; celui du paysage, dans la représentation des sites, & celui d’une peinture de marine, dans celle des eaux.

Mais dans chacune des parties qui constituent l’art de peindre, on entend plus particulièrement par le mot effet, lorsqu’il n’est accompagné d’aucune épithète, une expression juste, grande, majestueuse, forte.

Ainsi l’effet dans le dessin, est un contour hardi qui exprime sensiblement des formes que l’artiste connoît parfaitement ; & qu’il ne fait souvent qu’indiquer habilement. La liberté, la confiance avec lesquelles il rappelle leur place, leur figure, leur proportion, leur apparence éclairée ou colorée font dire que c’est un dessin d’effet. C’est ainsi que Michel-Ange, en traçant une figure, savoit exprimer quelquefois par le simple trait, la conformation des membres, leur juste emmarchement, l’apparence des muscles, les enchâssemens des yeux, les plans sur lesquels les os de la tête sont placés, enfin le caractère de l’action qui doit infailliblement résulter de la justesse de toutes ces combinaisons. Avec le secours de quelques hachures, il pouvoit indiqueraux yeux exercés dans l’art de la peinture, l’effet du clair-obscur & l’on pourroit dire même celui de la couleur ; un dessin de cette espèce est ce qu’on appelle un dessin du plus grand effet.

L’effet particulièrement appliqué au coloris, est celui qui porte l’imitation des couleurs locales à un point de perfection capable de faire une illusion prompte & sensible.

La couleur locale est la couleur propre & distinctive de chaque objet : elle a, dans la nature, quand la lumière est favorable, une force & une valeur que l’art a bien de la peine à imiter. Des organes justes & bien exercés dans les moyens de l’art peuvent y prétendre, mais l’écueil qui sur cette mer difficile est le plus fameux par les naufrages, c’est cette habitude de tons & de nuances qui s’enracine, sans que les peintres s’en apperçoivent, par une pratique répétée & qui, renaissant dans tous leurs ouvrages, fait dire de plusieurs artistes, qu’ils ont peint gris, ou roux ; que leur couleur ressemble à la brique ; qu’elle est rouge, ou noire, ou violette. Ce défaut, si favorable à ceux qui, sans principes, veulent distinguer les manières des maîtres, est une preuve de l’infériorité de l’imitation de l’artiste. La nature n’est précisément ni dorée, ni argentée : elle n’a point de couleur parasite ; ses nuances sont des mélanges de couleurs rompues, reflétées, variées & celui qui aspire à l’effet par la couleur, n’en doit avoir aucune à lui.

On peut rendre plus frappant l’effet de la couleur, par la disposition des lumières ; mais des périls menacent encore ceux qui se fondent sur ce secours. Le desir d’exciter l’attention par des effets, inspira au Carravage d’éclairer ses modeles d’une manière qui se rencontre rarement dans la nature : le jour qu’il faisoit descendre par des ouvertures ménagées avec art, offroit a ses yeux des lumières vives, mais tranchantes. Il en résulta, dans les imitations qu’il en fit, des effets plus singuliers qu’agréables ; les oppositions