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Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/457

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FOR clair-obscur. La force peut être due au ton auquel le tableau est poussé ; elle peut être due à la distribution des masses opposées entr’elles. Cette dernière partie de l’art doit même toujours nécessairement contribuer à la force ; car le ton ne la produiroit pas seul sans le secours des oppositions. Poussez autant qu’il sera possible les bruns de votre tableau ; il ne sera que noir & n’aura pas de force si ces bruns ne sont pas opposés à des clairs. Le tableau de la galerie du Luxembourg dans lequel Rubens a représenté le Temps qui enlève la Vérité, doit sa vigueur aux oppositions que l’artiste a ménagées. « La vivacité des tons dont la figure de la Vérité est peinte, dit M. Dandré-Bardon, la finesse de tous leurs passages, la douceur des demi-teintes & des ombres même dont ils sont accompagnés, releveur la couleur locale de la figure du Temps. Tour-à-tour l’ardeur du coloris, la solidité des demi-teintes, la vigueur des bruns, qui servent à l’arrondissement corps du vieillard, rendent éblouissante la fraîcheur de la Vérité qui est dans le printemps de l’âge. »

Le même Professeur indique à l’artiste différens stratagêmes qui peuvent contribuer beaucoup à la force de ses ouvrages. « Qu’il assaisonne, dit-il, par l’assortissement du linge le plus clair, le ton d’une chair colorée ; qu’il relève par l’association d’une étoffe brune l’éclat d’une carnation fraîche & lumineuse, ou qu’il détache sur un fond tout brillant des rayons du soleil, les objets recouverts de l’ombre la plus frappante. L’harmonie gagne infiniment à ces licences : il ne s’agit que d’en faire usage à propos, de les placer judicieusement, de les balancer de manière que la douceur & l’équilibre des tons ne soient, pour ainsi dire, altérés que pour emprunter de cette altération plus de valeur & plus d’éclat. »

Quelque soit d’ailleurs le mérite d’un tableau, il n’aura pas tout le succès auquel l’artiste doit aspirer, s’il manque de force. Un tableau peut être fin de tons, élégant de dessin, bien entendu de composition ; s’il n’a pas de force, il sera peu remarqué. C’est la force qui appelle le spectateur, & qui l’avertit de loin qu’un tableau mérite ses regards. Le peintre perdra donc un grand nombre de spectateurs, & peut-être d’admirateurs, s’il n’a pas l’art de les appeller par la force. (Article de M. Levesque.)

FORCÉ (adject.) se prend dans le même sens qu’exagéré. Cependant il peut y avoir juin exagération louable et même nécessaire ; mais le mot forcé est toujours pris en mauvaise part. Un ouvrage de l’art ne doit être forcé ni de


dessin, ni de mouvement, ni de ton, ni d’expression. (L.)

FORME. (subst. fém.) La forme des objets est ce qui les distingue principalement les uns des autres à la vue & au tact.

Une des études principales du peintre est d’observer & de s’exercer à imiter les formes extérieures de tous les objets visibles.

Ces formes ne sont apparentes que par l’effet de la lumière & des couleurs, & elles sont sujettes aux altérations que leur occasionne ce qu’on appelle l’effet perspectif. Il en résulte des erreurs, qui sont des vérités d’imitation, & c’est une des raisons pour lesquelles l’artiste doit connoître & avoir présens à l’esprit, en peignant l’apparence des objets, leur nature propre, leurs accidens, & entr’autres ceux qui ont rapport à leur surface ; car la peinture, indépendamment des figures & de la couleur, a des ressources & des moyens d’exprimer qui consistent dans la manière même d’appliquer les couleurs, de prononcer la touche, ce qu’on appelle en langage de l’art, le faire, & c’est par ces moyens qu’il fait passer le plus souvent à l’esprit de celui qui voit ses ouvrages, l’idée juste des substances que la couleur & la figure même n’indiqueroient que foiblement. J’ai traité de cet objet au mot caractère ; mais j’ajouterai seulement ici que les connoissances plus ou moins approfondies dont je viens de parler, sont aussi nécessaires dans l’art d’écrire, que dans celui de peindre ; car l’auteur qui parle d’un objet dont il ne connoît que le nom, ou dont il n’a qu’une idée infiniment vague, est privé de l’avantage de s’exprimer d’une manière que j’appellerai caractéristique, & le choix de certains termes contribue infiniment à faire passer à l’esprit du lecteur une idée plus ou moins juste & précise de ce dont on parle. Je ne crois pas devoir donner ici plus d’etendue à ce rapprochement, & je me contenterai de rappeller que le peu de précision dans lesformes est un défaut sensiblement essentiel pour l’artiste, parce que l’apparence visible & palpable est un des objets fondamentaux de son art.

Dans la peinture, une figure dont le trait a quelque chose d’indécis, s’offre trop longtemps aux yeux pour que ce défaut échappe à celui qui la regarde. Elle arrête même le regard, parce qu’il n’est pas satisfait ; car on cherche à se rendre compte des formes dans lesquelles on trouve à désirer. Ainsi ce défaut sollicite, pour ainsi-dire, les juges de l’artiste à le condamner.

Jeunes élèves, ce défaut qui, négligé, devient une habitude incorrigible, naît ou de ce que vous n’arrêtez pas d’une manière fixe & avec une attention assez active & intelligente, vos yeux sur les objets que vous regardez