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à Rome où il fit quelques tableaux d’histoire. Il étoit encore incertain du genre de peinture auquel il donneroit la préférence, lorsqu’il vit au Vatican la fameuse bataille de Constantin peinte par Jules Romain, & se décida pour les batailles. Michel-Ange des batailles entendit parler des succès du Bourguignon, vint le voir sans en être connu, ne put lui refuser son admiration, & publia lui-même les louanges de son rival.

Il se maria, se montra jaloux, perdit sa femme après sept ans de mariage, & fut soupçonné de l’avoir empoisonnée. Dans la douleur que lui causa cette accusation, il résolut d’abandonner le monde, se retira chez les Jésuites & prit l’habit de leur ordre. Mais la vie religieuse ne l’enleva pas à la peinture, & les Jésuites ne furent pas fâchés de pouvoir compter cet habile artiste entre leurs hommes célèbres. Il mourut d’apopléxie à Rome en 1676, âgé de cinquante-cinq ans.

Quoique le Bourguignon ait peint le portrait & l’histoire, c’est sur tout à ses tableaux de batailles qu’il doit sa grande réputation, & il réussissoit moins bien en grand qu’en petit. Dans le grand, il se montre trop foible dessiateur, finit trop peu, & tombe dans le rouge. Mais dans le petit, ses compositions sont pleines de feu, ses figures de mouvement. Sa touche est admirable & de la plus grande liberté, son pinceau facile, sa couleur chaude & de la plus grande force, les lumières répandues avec la plus grande intelligence. Beaucoup de ses tableaux sont noircis par le temps. Il fut maître de Parrocel.

On voit au cabinet du roi trois tableaux du Bourguignon peints sur bois : la bataille d’Arbelle, le sta sol, Moyse en prières pendant le combat des Amalécites.

Guillaume Courtois, frère de Jacques, naquit dans la même ville en 1628. Il alla de bonne heure à Rome & fut élève de Pierre de Cortone. Il eut des envieux, parce qu’il eut de la réputation. Carle Maratte n’hésitoit point à préférer les ouvrages de Courtois à ceux du Cortone. Le dessin en est, il est vrai, plus correct, mais la composition n’en est pas exempte de froideur. Plusieurs églises de Rome sont ornées de ses tableaux, & il a souvent aidé son frère dans les grands ouvrages, Il est mort à Rome en 1679, âgé de cinquante-un ans.

Les Courtois avoient encore un frère qui se nommoit aussi Guillaume. On dit qu’il étoit bon peintre ; mais il se fit de bonne heure capucin, ne travailla que pour des maisons de son ordre & est peu connu.


(189) Les deux Wéeninx, de l’école Hollandoise.


Jean-Baptiste Wéeninx, le père, qu’on appelle aussi le vieux, naquit à Amsterdam en 1621. Il fut élève de plusieurs maîtres entre lesquels on compte Abraham Bloemaert. Dès l’âge de dix-huit ans, il pouvoit se soutenir du produit de ses ouvrages & se maria. Mais l’amour de l’art l’emportant bientôt sur l’amour conjugal & l’amour paternel, il quitta sa femme & un enfant âgé de quatorze mois pour aller à Rome. Ses talens y furent remarqués, les principaux de Rome recherchèrent ses ouvrages, & le cardinal Pamphile se l’attacha par une pension. Après plusieurs années de séjour, rappellé dans sa patrie par les lettres pressantes de sa femme, il se déroba furtivement de Rome où son protecteur vouloit le retenir. Il s’établit à Utrecht où il se rendit aussi agréable par les agrémens de son esprit que par ses talens. Il y mourut en 1660 âgé de trente-neuf ans.

« On ne peut, dit M. Descamps, donner une juste idée de la manière de ce peintre ; il est regardé comme le seul qui ait également entendu tous les genres ; l’histoire, le paysage, le portrait, les animaux, les rivières chargées de bateaux, les marines avec des fonds meublés de bourgs & de villages… Wéeninx excelloit dans chaque genre comme ceux qui ne s’étoient distingués que dans un seul. Plusieurs de ses tableaux en petit sont très finis ; on les prend quelquefois pour être de Mieris ou de Gérard Douw. Ils sont dispersés chez les étrangers & sont rares dans sa patrie. Il préféroit de peindre en grand, & ses tableaux en grand sont moins rares. »

On dit qu’à l’exemple de Ketel il peignit un portrait avec les doigts au lieu de pinceaux, & qu’on en admiroit la force, la fraîcheur & la ressemblance. Cet habile artiste fut surpassé par son fils.

Jean Wéeninx naquit à Amsterdam en 1644, & fut élève de son pére qu’il eut le malheur de perdre trop tôt. Cependant il ne chercha plus d’autres maîtres que la nature. Dès-lors il imitoit assez bien son père dans tous les genres, pour qu’on ne pût distinguer leurs ouvrages que par la signature. Il voulut le vaincre après l’avoir égalé, & s’éloigna du ton gris dans lequel avoit donné ce peintre. L’électeur Palatin le manda à sa cour, & se l’attacha par une pension. On croit que Wéeninx ne revint à Amsterdam qu’après la mort de ce prince.

« Il peignit en grand & en petit d’un fini suprenant. Les animaux de toute espèce, le paysage, les fleurs, il a tout représenté. Toujours la nature est bien rendue dans ses ouvrages ; c’étoit elle seule qu’il avoit en vue, & il ne faisoit que la suivre. Il avoit une touche propre à chaque genre, une cou-