Aller au contenu

Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
224 PRO PRO


à la honte de celui qui l’exige : en effet, il faut bien peu connoître la nature des travaux d’esprit pour limiter un tems pour leur exécution. Qui sçait celui qu’on doit employer aux productions du génie ? qui connoît le tems qu’on doit fixer pour les différents individus qui sont destinés à les enfanter ? Sur tout cela on a des présomptions si légères, si incertaines, qu’on ne peut proposer de tems fixe sans prouver une grande ignorance dans les ouvrages de l’art, & une grande inexpérience dans leur pratique. Mais dira-t-on il est évident que le Dominiquin, plus lent dans ses inventions, plus exact dans son exécution, auroit demandé plus de tems pour opérer que Lanfranc son condisciple & son rival, qui, plus abondant & moins châtié, avoit un talent moins précieux, mais plus facile. Les principes de ce raisonnement sont vrais, la conséquence en est sausse. Car il seroit très-possible que Lanfranc, malgré l’avantageuse facilité qui l’auroit porté à demander moins de temps que le Dominiquin, pour un tableau de même nature, eût cependant été aussi long à en faire jouir l’acquéreur, parce que n’étant pas content du premier ni du second jet de son imagination, il auroit été obligé de consommer beaucoup de temps en recommençant son ouvrage.

Ainsi sans parler des forces majeures, telles que les événemens publics, les chagrins de famille, les maladies qui sont des causes de retard contre lesquelles il n’y a point d’action favorable, il faut avouer que toute convention de temps dans une obligation contractée pour un ouvrage d’esprit, est illusoire, absurde, & même nuisible à l’ouvrage. Je dis nuisible, parce que si l’artiste à la foiblesse de s’occuper de cette convention en opérant, il peut en résulter qu’il se hâtera, & négligera, afin de l’accomplir, tous les moyens nécessaires pour améliorer, sa production. Pourroit-on admettre qu’un artiste doit être puni pour s’être témérairement engagé pour un temps dont l’espace étoit insuffisant pour bien faire ?

Il y a cependant un cas où l’artiste peut être actionné avec avantage : c’est celui où il se seroit chargé d’un ouvrage, sous la volonté d’un entrepreneur, qui lui-même se seroit engagé à le rendre pour un certain temps. Ainsi Paul peintre, entrepreneur d’une municipalité, s’engage à terminer la décoration nécessaire à une fête qui se fera à terme fixe. Pour les figures qui doivent entrer dans cette décoration & qu’on veut qui soient d’un mérite distingué, on s’adresse à un homme capable de remblir ce but. On sait que Michel-Ange, ses élèves, Rubens & autres peintres du premier ordre, n’ont pas dédaigné ce genre de travail Le temps arrivé ou prêt à expirer, l’ou-


vrage n’est pas fini. Dans la crainte de manquer à ses engagemens Paul, se voit forcé d’employer d’autres mains.

Dans cette hypothèse, il paroît décidé que l’artiste dont la faute est simple ([1]) & sans mauvaise volonté prouvé, ne doit pas perdre tout le fruit du travail qu’il aura fait, & ne doit être tenu que des dommages & intérêts résultans du prix que Paul a payé à ceux qui ont supléé. Mais si l’ouvrage n’a pu être terminé, les dommages-intérêts consisteront dans la perte que Paul aura souffert, & dans le gain dont il aura pu être privé.

Les dommages-intérêts seront estimés avec beaucoup de modération, si l’on ne peut accuser l’artiste que de lenteur & de négligence. Mais si l’on peut prouver l’envie de nuire à Paul l’entrepreneur, alors ils s’estiment dans la plus grande rigueur.

Ce qui vient d’être dit du retard volontaire est applicable à tous les artistes. Quant aux retards involontaires, ils varient selon la nature de l’art. Ainsi pour un statuaire, l’inconvénient de la geleé sur son modèle, la fracture de la pierre ou du marbre, enfin l’absence des ouvriers qu’il est obligé d’employer, sont des évenemens pour raison desquels il seroit injuste d’intenter un procès.

La gravure est exposée à des inconvéniens relatifs à l’opération de l’eau-forte ; à des défauts particuliers du cuivre, défauts qu’il est difficile de prévoir ; à des accidens qui peuvent gâter des travaux qu’on sera long temps à réparer ; toutes raisons qui, indépendamment de celles qui sont communes à tous les arts, peuvent causer des retards involontaires, & contre lesquels toute réclamation seroit vexatoire & sans fruit.

Il peut s’élever encore des contestations relatives à la quantité de l’ouvrage, & c’est par où nous terminerons cet article. Par exemple, un libraire charge un dessinateur de lui faire tel nombre de dessins, à tel prix chaque dessin, pour orner une édition. L’artiste augmente le nombre des dessins sous le prétexte de l’abondance des sujets que le texte à fournis, de la nécessité de l’explication &c. Nous ne persons pas que le libraire soit tenu de payer au-dessus du nombre de dessins portés dans son obligation. Et il en sera de même pour tous les cas de cette espèce où un artiste prétend engager l’entrepreneur dans une dépense supérieure à celle qu’il avoit résolu de faire.

(Article de M. Robin)

PROFIL (subst. mas.) On appelle profil

  1. (1) Pothier, idem. Part. I, Ch. II, § 160 & 169.
l'aspect