Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298 SCU SCU


dré Bardon, par les beautés que le Gros y a introduites. Il a su concilier la belle intention quo présente le marbre qui lui a servi de modèle, avec les vérités dont it est dépourvu, & dont on sent qu’il étoit susceptible. »

Il ne resta que deux ans à Paris, & partit mécontent de l’académie qui, au lieu de rechercher l’honneur de se l’associer, ne lui donna que des dégoûts. il auroit desiré d’être au nombre de ses membres ; mais son mérite étoit assez connu, pour qu’il pensât qu’on dût le dispenser de venir montrer des ouvrages comme un homme dont le talent est encore incertain. Les corps sont naturellement attachés à leurs formes ordinaires ; mais it est des hommes que leur mérite doit mettre au-dessus de ces formes, & des réputations qui sont trop générales & trop brillantes pour devoir être soum ses à des jugemens particuliers. Mais les envieux traitèrent le Gros comme ils avoient traité le Pujet ; au lieu de joindre lours applaudissemens à ceux du public, ils cherchèrent à dégrader la gloire de ces hommes qu’ils redoutoient, & les noms de ces deux grands statuaires manquent à la liste des académiciens. L’absence de ces noms fameux y fait une tache. Le Gros retourna à Rome, & aggrava, par de nouveaux chefs-d’œuvre, l’injustice de sa patrie.

On distingue entre eux le bas-relief de Tobie dans l’oratoire du Mont-de-piété ; la statue en pied du Cardinal Casanatta à la Minerve, & le tombeau de ce même Cardinal à Saint Jean de Latran ; celui de Pie IV à Sainte Marie Majeure ; celui d’un prélat de la maison Aldobrandine à Saint Pierre aux liens ; celui de Grégoire XV à Saint Ignace.

Dans l’eglise du Jesus, il a fait la figure de Saint Ignace, en argent, de neuf pieds de proportion ; elle est grouppée avec trois anges. La Sainte Thérèse qu’on voit de lui à Turin, dans l’eglise des Carmélites, est mise au nombre de ses meilleurs ouvrages.

La France doit regretter d’avoir si peu de monumens d’un artiste qu’elle a produit, & doit être jalouse de ce que Rome, pour me servir des expressions de M. D…, est la seule qui puisse dire que ce fut un grand homme. Il étoit persuadé que, dans son art, ce qui n’est qu’agreable, sans avoir un grand caractère, n’est point beau ; il voyoit avec peine le goût de son pays pour tous ces petits agrémens qu’on y préfere trop souvent à la beauté : « Vous ne voulez que du tendre, du joli, de l’aimable disoit-il un jour à un François ; & souvent le beau, le grand vous échappe. »

Il mourut à Rome en 1719, âgé de cinquante-trois ans. On croit que ses jours furent abrégés par le chagrin. Il ne pouvoit se consoler


de l’indifférence qu’avoient témoignée pour ses talens les académiciens de Paris : il auroit dû se persuader qu’ils lui auroient fait un meilleur accueil, s’ils avoient intérieurement rendu moins de justice à sa supériorité.

(42) Nicolas Coustou, né à Lyon en 1658, apprit les premiers principes de son art sous son père, qui étoit sculpteur en bois, & vint à Paris, à l’âge de dix-huit ans, recevoir les leçons plus savantes de Coysevox, son oncle. Il remporta le grand prix de l’académie à l’âge de vingt-trois ans, & fit le voyage de Rome avec la pension du Roi. Il s’appliqua principalement, dans cette ville, à étudier les ouvrages de Michel-Ange & de l’Algarde, tempérant par les agrémens de l’un ce que l’autre a de rudesse. Ce fut dans cette ville qu’il fit la copie de l’Hercule Commode qui est placée dans les jardins ; & comme l’original n’est qu’une antique des siècles inférieurs de l’art, il se crut permis de ne s’y pas attacher servilement.

Après trois ans d’absence, il revint à Paris & vit son talent recherché. L’ouvrage le plus important par lequel il commença à le consacrer, fut le grouppe qui représente la jonction de la Seine & de la Marne. Ces deux figures ont neuf pieds de proportion, & sont accompagnées de figures d’enfans qui tiennent les attributs de ces rivières. Ce morceau capital, que l’on continue d’estimer, étoit destiné aux jardins de Marly ; mais it est placé aux Tuileries, & fait un des ornemens de la capitale. On voit encore, dans le même jardin, quatre ouvrages de cet artiste : deux retours de chasse, figurés par des nymphes dont chacune est grouppée avec un enfant ; la statue de Jules César, & sur-tout le berger chasseur. On estime moins les deux chasseurs qu’il a saits pour le jardin de Marly. L’un vient de terrasser un sanglier, & est prêt à lui donner la mort ; l’animal est une belle imitation du sanglier antique de Florence : l’autre tient un cerf par le bois, & va lui plonger le couteau dans la gorge. On blame le costume de ces deux figures ; on y trouve un goût françois trop opposé au goût pur de l’antique. Mais on retrouve tout le talent de Coustou dans le grouppe de tritons qui décore la cascade rustique de Versailles. On l’admire encore plus dans la descente de croix, qu’on appelle le vœu de Louis XIII, & qui est placée au fond du chœur de Notre-Dame, à Paris. C’est, suivant Dandré Bardon, un chef-d’œuvre qui renferme ce que le grand caractère de dessin & le majestueux pathétique de l’expression ont d’intéressant. On voit aussi du même artiste, dans cette église, un Saint Denys en marbre, & le crucifix éléve au-dessus de la grille du chœur, C’est de lui qu’est le tom-