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les grands travaux entrepris ensuite par les habitans de ces contrées.

Les anciens ont fait mention de plusieurs déluges arrivés avant celui d’Ogygès. Platon en cite deux plus anciens que celui de Deucalion. Tous les hommes ne périrent pas dans les parties septentrionales & occidentales, ainsi que dans la Grèce proprement dite, où les Cataclysmes causèrent les plus grands désordres : plusieurs trouvèrent un asyle sur les montagnes. Platon ajoute que les prêtres de Saïs, en Égypte, avoient dit à Solon, qu’on trouvoit dans leurs annales, le détail de ces événemens. Ils lui en apprirent même plusieurs circonstances qu’il ignoroit.

On pourroit regarder, il est vrai, ce que Platon dit à ce sujet, comme une fiction philosophique, propre à donner quelqu’apparence à ce qu’il racòntòit de l'île Atlantique. C’est du moins ce qu’en pensent ceux qui traitent cette histoire de fabuleuse. Mais peut-on soutenir que, de tant de déluges qu’on trouve dans les anciens, aucun n’ait un fondement réel ?

Le même Platon, voulant rechercher l’origine de la société civile, parle d’un déluge qui dut surprendre le genre humain : mais nous ne connoissons que le déluge universel, arrivé long-temps avant l’époque où il place le sien, dont il fait une application particulière à la Grèce, puisqu’il fixe l’origine des connoissances aux temps d’Orphée, de Deucaiion, &c. & qu’il ne leur donne pas plus de mille ou deux mille ans d’antiquité : ce qui peut être vrai, relativement à cette partie de la terre. Tout ce qu’il dit de ce déluge, semble convenir à ce que le raisonnement indique sur les premiers temps de la Grèce ; & l’on ne peut guère s’égarer en suivant ses idées.

Toutes les habitations situées en rase campagne, sur les bords de la mer, & généralement dans les lieux bas, furent entièrement submergées. Il n’échappa des eaux que quelques pâtres, occupés, sur les montagnes, à garder les troupeaux. Les instrumens de toute espèce, les découvertes faites jusqu’alors dans les arts, dans la politique & dans les autres sciences, furent anéanties. Ces montagnards, plongés dans la plus profonde ignorance, perdirent de vue les siècles qui les avoient précédés : aussi ne faisoit-on remonter qu’à mille ou deux mille ans les découvertes attribuées en partie à Dédale, à Orphée, Palamède, &c.

Tels furent les hommes échappés à l’inondation. Par-tout s’offroit l’image d’une vaste & affreuse solitude. D’immenses pays étoient sans habitans. Quelques petits troupeaux de chèvres, de bœufs étoient leur unique ressource pour subsister ; ou, privés des choses les plus nécessaires à la vie, ils étoient réduits à la pâture des bêtes.

La crainte dut long-temps retenir sur les hauteurs ces bouviers & leurs enfans. Le déluge avoit fait de terribles impressions sur les hommes grossiers. Ils n’osèrent quitter les montagnes pour aller


s’établir dans les plaines. Le spectacle d’un pareil événement se présentant sans cesse à leur imagination, accompagné de toutes les horreurs qui en avoient été la fuite, leur faisoit craindre de s’y exposer.

Cependant, après un grand nombre d’années, s’y trouvant forcés par leur multitude, ils tentèrent enfin de descendre dans les vallées ; & ce ne fut encore qu’avec des précautions extrêmes. Quoiqu’ils cultivassent déjà des lieux bas, leurs villes, ou leurs retraites étoient toujours sur les hauteurs. C’est ce qu’on peut inférer de ces expressions communes chez les anciens : monter à la ville, descendre de la ville.

La population augmentant sur chaque montagne (car il devoit y avoir d’abord peu de communication de l’une à l’autre), chaque famille, plusieurs ensuite, formèrent des peuplades parlant le même langage ; mais la face du pays & les mœurs durent recevoir une altération singulière, lorsque ces hommes descendirent dans la plaine. Les divisions, les guerres, les meurtres prisent naissance avec le partage des terres. L’attaque & la défense réunirent plus intimement les membres de chaque famille. Il se forma une infinité de petits peuples. Les violences devinrent communes, les vengeances atroces. Tels étoient les Grecs lorsque les colonies abordèrent chez eux.

Ici, une foible aurore commence à répandre, quelque clarté sur l’histoire grecque. Les écrivains parlent des peuples que trouvèrent les colonies. Ils nous crayonnent le tableau de leur vie & de leurs mœurs. Ils rapportent même le nom générique de Pélasges, que portoit cette multitude barbare. Mais, lorsqu’on vient à examiner quels font les Pélasges, leur origine, leur langue, leurs migrations, la variété des opinions semble replonger cette histoire dans l’obscurité & dans le chaos d’où elle commençoit à sortir.

Les auteurs les plus célèbres conviennent de l’ancienneté des Pélasges dans la Grèce, qui, même avant d’avoir ce nom, portoit celui de Pélasgie ; mais ils ne nous transmettent rien de satisfaisant sur leur origine. Hérodote & Thucydide ne sont pas clairs sur cet article.

Apollodore, Ephore & Denys d’Halicarnasse, croient que les Pélasges avoient pris leur origine dans le Péloponnèse, & qu’ils envoyèrent de-la des colonies en Thessalie. Le dernier de ces historiens va plus loin ; il fixe les temps de la naissance des Pélasges, celui de leur sortie du Péloponnèse, & de leur séjour en Thessalie. Chassés de ce dernier pays, sous le règne de Deucalion, ils pénétrèrent en Crète, dans les Cyclades, la Béotie, la Phocide, l’Eubée, l’Epire ; d’où ils passèrent en Italie, & revinrent enfin dans la Grèce, au temps des Argonautes. Sans nous arrêter à toutes les objections qu’on peut faire contre cette opinion, n’est-il pas ridicule de faire arriver les Pélasges en Italie, sur une flotte nombreuse, dans un temps