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Page:Encyclopédie méthodique - Géographie ancienne - Tome 2.djvu/13

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GRÆ GRÆ 5


où la navigation n’étoit pas même connue en Grèce ? Quelle apparence que les habitans d’un canton aussi peu considérable que l’Arcadie, aient pu envahir toutes les contrées dont nous avons parlé ? Comment concilier la puissance que Denys attribue aux Pélasges, avec la fuite de l’histoire, qui n’en fait aucune mention ? Il est vrai qu’il tranche le nœud en les faisant exterminer par les dieux : dénouement digne de la scène, mais qui répugne à la gravité de I’histoire.

Tant de variétés, de contradictions & d’erreurs sur les Pélasges, viennent de ce qu’on les a regardés comme un peuple particulier, parcourant successivement la Grèce, l'Italie, &c. lorsque cette dénomination, comme on l’a déjà observé, n’est qu’nn nom générique.

Envisagés sous~ce point de vue par les auteurs de I’histoire attique, les Pélafges eurent ce nom du mot grec rieAâc^oí’ ( cigogne ), parce que, semblables aux oiseaux, ils parcouroieht tantôt un lieu, tantôt un autre : idée conforme à ce que nous avons dit des premiers habitans de là Grèce.

Long-temps pâtres avant d’être cultivateurs, ils errèrent depays en pays,cherchant les meilleurs pâturages. Tels font encore aujourd’hui lés Scythes & les autres peuples Nomades. Les anciens Grecs ne perdirent leur nom primitif que successivement, & à mesure qu’ils se civilisèrent ; ce qui ne peut" s’opérer que par peuplade. Moins nombreux de jour en jour, plus errans, les Pélafges furent sin> posés reparoître pâr-tout où il en existoit encore. De-íà leurs prétendues migrations, & leur nom conservé jusqu’à l’eniière civilisation de la Grèce.

Déjà l’on découvre la raison qui porta les Grecs à se glorifier d’être Autochthones ([1]), enfans de la terre même qu’ils habitoient ; & nous en sommes plus portés à leur pardonner cette vaine gloire, ainsi qu’à Hésiode & à Servius, de leur avoir donné ce nom. La plupart des anciens historiens ne connoiffant rien au-delà des temps fabuleux, - croy oient que les Grecs étoient les premiers des hommes.

Echappés aux ravages de rinondation^ & confinés sur les montagnes qui leur^avoient sauvé la vie, en ne leur laissant que peu de moyens de ’ Te la prolonger, ces pâtres, ces bouviers, durent bientôt tomber dans l’abrutissement. Les autres., privés du secours des troupeaux, alloient mangéant çà & là dans les champs i’hefbe & les fruits qui croissent sans culture. Ignorant Tissage du feu, sans habitation, sans nourriture propre, beaucoup j durent périr de faim ou de froid.

La violence des besoins surmonta la crainte ; ces peuples descendirent dans la plaine. Leur sort n’y fut gnère plus heureux. Nouvellement sorti du sein dés eaux, le pays n’offroit de toutes parts qu’objets de peines & de souffrances. Les rivières n’avoient point de cours certain, les


lacs, les étangs plus de bornes déterminées : tout étoit marécages on forêt. La terre ne produisoit. point de bons fruits ; & les hommes n’ayant aucune idée des instrumens du labourage, ne pouvoient espérer aucune récolte. Ils partageoient, avec les animaux, la mousse & l’écorce des arbres. Quelques racines vertes de chiendent & de bruyère, étoient., pòur eux ; un régal. Quand ils trouvoient des faines & du gland, ils en dansoiyn de joie, autour d’un chêne Ou d’un hêtre ; & par Teurs chaíí-, sons rustiques, ils Célébroient, en cadence,Taterre, comme leur nourrice & leur mère. Telles étoient leurs fêtes ; ils traînoient le reste de leur vie dans la misère & la douleur.

Enfin, les besoins ne trouvant plus de quoi se satisfaire, on en vint à des excès horribles ; & le plus foibles, succombant sous les coups du plusfort, lui servit de pâture.

Qui croiroit, qu’au milieu de tant d’horreurs, les Pélafges eussent conservé l’idée de la divinité ? Cependant il paroît, par lés témoignages d’anciens auteurs, que les Grecs des premiers temps ont connu un être, suprême, duquel étoient venus tous les autres. Ils l’appeloient Daimogçrgpn, selon Pro-^ napides, précepteur d’Homère. Hérodote confirme ce sentiment, si l’on peut l’inférer de ce qu’il dit des Pélafges, qu’ils ne donnoient aucun nom ni surnom aux dieux.

Quoi qu’il en soit, lés Pélafges, avant leur mélange avec les colonies orientales, reconnoiffoient des êtres auteurs de l’univers, & qui veilloient à en maintenir Tordre, d’où ils les avoient nommés dieux ([2]), Θεοζ. Cette religion subsista assez long-temps dans fa simplicité. Elle fut altérée, par l’arrivée des colonies étrangères, qui introduisirent l’usage de partager l’administrátion de l’univers entre les divinités distinguées par leurs noms, &-leurs attributs. Cette révolution ne s’opéra pas tout-à-coup ; mais enfin, les Pélafges voyant les. noms des dieux se multiplier, allèrent consulter à ce sujet l’oracle Dodoné, le plus ancien de la Grèce, & fondé par tine prêtresse d’Egypte, enlevée par des Phéniciens, qui la leur avoient vendue.

Mais, pour resserrer & rapprocher en un seul point de vue, ce qui vient d’être dit, & m’en tenir à la manière dont M. de Gébelin a vu ces premiers commencemens de la. Grèce, je dirai ’- avec lui : « que l’on se représente ( Diíl. EtyrnpL de la langue grecque, dise. prél. p. xxxiij), un raste triangle, dont le Danube fait la base au nord, dont J ?-Hellespont & la mer Egée forment le côté oriental ; & qui, par diverses chaînes de montagnes, eíl coupé en trois grandes bandes d’orient en occident, parallèles à sa base, tandis que la pointe du triangle est presque, séparée du reste en forme de prés-

  1. (l) De αυτη, ipsa, & de Χθών, terra.
  2. (2) De Θεω facìo, parce qu’ils maintenoient toutes choses.