ecrît ses pensées ait pu se dire,
«
jai fait un
livre utile aux hommes, » jedoute que jamais
horaime se soit félicité de savoir lu. Une
saty/re plait,
celle qu’il a faite ds la nature
humaine
est ingénieuse , il a du être lu ;
maiis celui qui a pu l’aimer , n’aimoic pas
les hommes ; il avoit dit-on des vettus. Une
fennme à jamais célèbre par la féconde &
délicieuse sensibilité de son ame, a loué la
sienne. Que penset donc ! Qu’il a voulu faire
un jeu d’esprit ; mais ce jeu a dû empoisornner
sa vie. Qu’il a écrie par humeur j
maiis quel érrange besoin de faire partager
fora humeur à cane d’hommes ! Qu’il a éré
sédiuit par un désir de singularité. Qu’est-ce
dome qu’un tel penchanc,
s’il a pu conduire
un honnête homme à nier ia vertu f
Deux défauts parciculiecs
me paroissent
êtrse le principe de ses erreurs. Quelques
observations
chagrines l’avoienc frappé dans
lecoursdefavie,ila.voulu enfaire un
syfltême, il semble n’avoir réfléchi que pour
treouver justes ses premières
réflexions , il
prend biencôc pout le cercle écroit de la vie
huimaine , le cercle où le ramènent ses premières
idées. En second lieu tout ce qui
doinne de l’éclat à son stile ôte^de la justesse
à Isa pensée ; il exptime par un choc brillamt
de mots un contraste qui n’est point
dams les choses. On loue fa précision mais
qmel avantage a-1 -elle, s’il emploie toujours
dams le sens le plus vague les termes les plus
abstraits ?On loue son énergie ; il est vrai qu’il
n’affoiblir pas
ses pensées par des doutes, par
des réserves ; mais c’est par là qu’il
se fût approchié
de la vérité. Au reste le système de la Rochiefoucaud
n’est pas neuf, la société n’a
pas
mianqué de philosophes jaloux d’enlevet aux
hcommes de prétendues erreurs qu’eux mêmes
regrettoient,
mais plusieurs ont voulu au
mioins lui substituer les règles de la prudence.
La Rochefoucaud abandonne l’homme á tontes
les foiblesses de fa natute , satisfait de
«s lui avoir montrées.
LA
BRUYÈRE.
Qui
a peint plus de travers, plus de vices,
plus de ridicules que la Bruyère ? Qui a mieu*
peint à la fois & ses contemporains & l’homme
de cous les lieux ? Tous ses tableaux íont
aussi vrais que ceux de Molière & sont pltis
variés. On a cru y reconnoître une quancieé
d’hommes de son cemps ; beaucoup d’hommes
pourroient encore aujourd’hui
s’y croire désignés
& dévoilés ; il a poursuivi le vice dans
coures ses recraites, il lui a arrachi
tous les
masques qu’il peut revêtit.
Peut-être un défaut dépare son ouvrage l
quand il peint la vertu , il a Tait de la peindre
d’imagination :
quand il peint le vice, on
voit qu’il le peint fur des modèles. Ainsi dans
son ouvrage un calme heureux,
une douce
Sc consolante perspective succèdent rarement
au tableau agité Si affligeant qu’il est obligé
de décrire. La variété, l’originalicé,
le
piquant de ses formes ne peuvent satisfaire
au besoin qu’a Tame de se reposer sur des
objets qui i’actachent Sc qui l’accendrissent.
Ce feroit cependant
une bizarre injustice de
précendre que la Bruyère ne paroît poinc
animé de l’amour
de la vertu, & qu’il ne
fait point Tînfpirer en traçant tous ces caractères
différens , il n’a point laissé de doutes
fur le sien , c’est celui d’un hounêce homme
quia pour le vice Ia haine vigoureuse qu’Alceste
éxige pour les gens de bien.
La Bruyère a été beaucoup
accusé de
malignité,
si ce reproche étoit fondé , il ne
faudroit point lui donner une place parmi
les moralistes utiles. La malignicé n’est jamais
que le moyen le plus lâche Si le plus facile
de divertir & de flacter quelques peesonnes
aux dépens de beaucoup d’ancres. Elle est un
sûr indice de l’envie. La sagesse ne connoît
point un instinct aussi vil •,
la Bruycre a vecit
dans le siécle de l’idolatrie , dans le siècle
oiì les hommes ont eu plus l’art de s’éblouir
les uns les autres , où tout paroistoit une
scène enchantée.
La Bruyère
n’étoit point saisicomme sescontemporains
de ce dangereux, enthousiasme,
quoiqu’il
en partageât quelques foiblesses. II
avoit le bon sens de voir les hommes cels qu’ils
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DISCOURS SUR L’OBJET DE LA MORALE.