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DISCOURS

qui signifioient : étant donnée une équation qui contienne un nombre quelconque de quantités fluentes, trouver les fluxions, & réciproquement : cet homme célèbre répondit qu’il avoit trouvé une méthode semblable, & il me communiqua sa méthode qui ne différoit de la mienne, que dans l’énoncé & la notation. L’édition de 1714 ajoute, & dans l’idée de la génération des quantités.

Il est constant, par ces trois pièces, que Neuton semble avoir trouvé le premier la méthode des fluxions, mais que Léibnitz l’a trouvée également de son côté, sans rien emprunter de Neuton. Ces deux grands hommes sont arrivés, par la force de leurs génies, au même but, par des chemins différens : l’un, en regardant les fluxions comme de simples rapports de quantités qui naissent ou s’évanouissent au même instant ; l’autre, en considérant que dans une suite de quantités qui croissent ou décroissent, la différence entre deux termes consécutifs peut devenir infiniment petite, c’est-à-dire, plus petite que toute grandeur finie déterminable.

Cette opinion, aujourd’hui reçue universellement, excepté en Angleterre, a été celle de Neuton même, dans un tems où la vérité étoit encore proche de sa source, & où les passions ne l’avoient pas altérée. En vain, entraîné dans la suite par la flatterie de ses disciples, a-t-il changé de langage : en vain a-t-il prétendu que la gloire d’une découverte appartenoit toute entière au premier inventeur, & que les seconds inventeurs n’y avoient aucune part ; la proposition a besoin d’être modifiée : deux hommes, qui font chacun une même découverte importante, ont un droit égal à l’admiration : celui qui la publie le premier, a le premier droit à la reconnoissance publique.

Le projet de dépouiller Léibnitz, & de le faire regarder comme plagiaire, fut porté si loin en Angleterre, qu’on osa dire, & Neuton lui-même n’eut pas honte d’appuyer l’objection, que le calcul différentiel de Léibnitz n’étoit autre chose que la méthode de Barrow. À quoi pensez-vous, répondit Léibnitz, de me faire un pareil reproche ? Vous voulez, tout à-la-fois, que le calcul différentiel soit la méthode de Barrow, & que M. Neuton en soit l’inventeur. Faut-il que la passion vous aveugle au point de ne pas sentir cette contradiction manifeste ? Si le calcul différentiel étoit réellement la méthode de Barrow, (& vous savez très-bien qu’il ne l’est pas), qui mériteroit plus justement d’être appellé plagiaire, ou de M. Neuton qui a été le disciple, l’ami de Barrow, qui a été à portée de puiser dans la conversation des vues que Barrow n’a pas mises dans ses livres : ou de moi, qui n’ai pu connoître que les livres, & qui n’ai jamais eu de relations avec l’Auteur ?