courbe que doit décrire un corps grave, pour arriver dans le moindre tems possible, d’un point à un autre, ces deux points n’étant pas situés dans la même ligne verticale. Au premier coup-d’œil, on est porté à croire que la ligne droite, comme le chemin le plus court d’un point à l’autre, doit être aussi le chemin de la plus vîte descente ; mais on est arrêté par cette réflexion, que dans une courbe décrire d’un point à l’autre, le mobile peut d’abord descendre plus verticalement, & par conséquent acquérir une plus grande vîtesse qu’il ne feroit le long du simple plan incliné, ce qui produit une compensation capable de faire arriver le corps plus promptement : suivant la ligne courbe, que suivant la ligne droite. Le calcul seul doit décider la question. Or, en y appliquant la méthode des infiniment petits on trouva que la ligne de la plus vîte descente étoit un arc de cycloïde : nouvelle propriété très-singulière de cette courbe que les recherches de Pascal & de Huguens avoient déjà rendue si célèbre. Léibnitz résolut le problême, le jour même qu’il en eut connoissance ; & le lendemain ; il envoya sa solution à Jean Bernoulli, en le priant de ne pas se presser de la publier, non plus que la sienne propre, afin de donner aux autres Géomètres, le tems de s’exercer sur une si belle question. Jean Bernoulli consentit à leur accorder un an pour cette recherche. Dans cet intervalle, outre les solutions de Léibnitz & de Jean Bernoulli ; il en parut trois autres dont les Auteurs étoient Neuton, le Marquis de l’Hôpital, & Jacques Bernoulli. Celle de Neuton parut anonyme dans les transactions philosophiques de Londres ; mais Jean Bernoulli connut la main d’où elle partoit, tanquam, dit-il, ex ungue leonem. Le Marquis de l’Hopital eut beaucoup de peine à trouver la sienne ; ce qui paroîtra d’autant plus surprenant, qu’on peut résoudre facilement le problême par une méthode qu’il emploie lui-même, lorsqu’il cherche[1] la route que doit suivre un voyageur pour arriver dans le moindre tems possible d’un lieu à un autre, en traversant deux campagnes, où il éprouve des résistances qui font varier les vîtesses dans un rapport donné ; car si l’on regarde les deux campagnes comme les deux élémens d’une courbe, & si l’on suppose, conformément à la théorie de la chûte des graves que les vîtesses du mobile, le long d’une courbe quelconque, soient comme les racines quarrées de ses distances, à une ligne horizontale fixe, on parviendra, en un instant, à l’équation différentielle de la cycloïde. Mais cette remarque ne prouve rien en faveur de la prétention de Jean Bernoulli sur le Livre des infiniment petits,
- ↑ Analyse des inf. pet. art. 59.