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PRÉLIMINAIRE

car il ne l’a pas faite ; & les deux solutions qu’il a données successivement de son problême, sont fondées sur d’autres principes. Jacques Bernoulli fut aussi quelque tems sans publier sa solution : en la cherchant, il s’étoit élevé à des problêmes d’une spéculation encore plus profonde, qu’il vouloit d’abord résoudre, & puis proposer aux Géomètres. Son Frère hasarda quelques malignes réflexions sur cette prétendue lenteur : il s’en seroit abstenu sans doute, s’il avoit prévu qu’elle étoit employée à lui préparer des chagrins d’autant plus amers, qu’à un talent supérieur pour la Géométrie, il avoit la foiblesse de joindre un amour-propre excessif, qui n’est pardonnable qu’à l’homme médiocre.

Il y avoit déjà long-tems que la mésintelligence régnoit entre les deux Frères. Lc Cadet ayant été nommé Professeur de Mathématiques à Groningue, en 1695, ils ne conservèrent bientôt plus de relations particulières ; ils ne se parloient que dans les Journaux, & c’étoit pour se proposer les problêmes les plus difficiles. Léibnitz tenant la balance entr’eux, étoit, pour ainsi dire, l’ame de leurs travaux : il les encourageoit sans cesse par des louanges privées & publiques ; il paroissoit plus occupé de leur gloire, que de la sienne propre.

Enfin ils en vinrent à une rupture ouverte. L’un vouloit peut-être trop conserver ce ton de supériorité que lui avoit donné le droit d’ainesse, & la qualité d’instituteur de son Frère en Mathématiques : celui-ci oublia les loix de la reconnoissance, & même les égards qu’il devoit, nous ne dirons pas simplement aux liens du sang, mais à un homme illustre & modéré, occupé de la Science ; & toujours prêt à répondre aux questions que l’on proposoit. Jacques Bernoulli, qu’importunoient depuis long-tems les attaques & les cririques de son ancien Élève, saisit l’occasion de se venger d’une manière éclatante, mais en même-tems utile à la Géométrie, en proposant aux Savans, & nommément à son Frère, avec la promesse d’un prix, le problême général des isopérimètres. Il demandoit une courbe telle que des puissances quelconques de ses ordonnées ou de ses arcs, formassent sur l’axe des abscisses un plus grand espace, que ne feroient de pareilles puissances des ordonnées ou des arcs de toute autre courbe d’égal contour, & construite sur la même abscisse. La propriété qu’a le cercle de comprendre, sous un contour donné, un maximum d’espace, ne doit être, comme on voit, qu’un corollaire très-particulier de la solution générale.

Aussi-tôt que Jean Bernoulli eut reçu ce programme, il se hâta de faire imprimer dans les Journaux, le résultat d’une solution qu’il assuroit y satisfaire, s’applaudissant d’ailleurs lui-même de