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DISCOURS

n’avoir employé que deux ou trois minutes pour tenter, commencer & achever d’approfondir tout le mystère, & demandant hautement le prix que son Frère avoit promis. Mais Jacques Bernoulli, qui ne trouva pas ce résultat conforme au sien, fit imprimer, à son tour, un avis, où il soutenoit que la méthode de son Frère étoit défectueuse : il accordoit encore quelque tems aux Géomètres pour chercher la véritable solution ; & si personne ne la donnoit, il s’engageoit à trois choses. 1.o À deviner au juste l’analyse de son Frère. 2.o Quelle qu’elle fût, à y faire voir des paralogismes, si on vouloit la publier. 3.o À donner la véritable solution du problême dans toutes ses parties : ajoutant que s’il se trouvoit quelqu’un qui s’intéressât assez à l’avancement des Sciences, pour proposer quelque prix pour chacun de ces trois articles, il s’engageoit à perdre autant, s’il ne s’acquittoit pas du premier ; le double, s’il ne réussissoit pas au second ; le triple s’il manquoit au troisième.

Cette admonition fraternelle obligea Jean Bernoulli de revoir sa méthode ; il reconnut qu’en effet il s’étoit trompé en quelque chose, & il attribuoit sa méprise à une trop grande précipitation : il envoya aux Journaux une solution différente, à certains égards, de la première, mais sans prendre un ton plus modeste. À son Écrit, Jacques Bernoulli repliqua laconiquement en ces termes : Avant que de publier ma réponse aux solutions de mon frere, je le prie de repasser tout de nouveau sa dernière, d’en examiner attentivement tous les points, & de nous dire ensuite si tout va bien : lui déclarant qu’après que j’aurai donné la mienne, les prétextes de précipitation ne seront plus écoutés. Mais cet avertissement & une autre remarque semblable, un peu plus étendue, ne firent aucune impression sur Jean Bernouilli, qui soutint que sa seconde solution étoit bonne dans tous les points.

Presqu’en même tems on imprima une lettre de Jacques Bernoulli à Varignon, dans laquelle l’Auteur, joignant la plaisanterie à la discussion, expliquoit une analyse défectueuse en elle-même, où néanmoins des faussetés redressées par d’autres faussetés faisoient arriver, en certains cas, à une conclusion vraie ; & trouvoit, au moyen de cette analyse, les mêmes équations que son frère ; d’où il conjecturoit que, selon toutes les apparences, elles en étoient émanées. Cette imputation mit Jean Bernoulli hors de lui-même, & lui arracha, contre son frère, un torrent d’injures que je me garderai bien de répéter.

La querelle ne pouvoit être terminée que par des Arbitres. Jean Bernoulli en demandoit ; il étoit déjà sûr de l’approbation de Léibnitz, qui n’avoit pas sans doute examiné la matière avec toute