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PRÉLIMINAIRE

de nouvelles routes, & il abandonnoit volontiers aux autres le plaisir de les étendre & de les perfectionner. Il paroît par les Œuvres Posthumes de Jacques Bernoulli, qu’il avoit aussi trouvé, de son côté, une méthode semblable, & qu’il l’avoit employée pour résoudre les problêmes que son frère lui proposoit, pendant la dispute sur les isopérimètres : il se contentoit de donner ses solutions sous des lettres transposées, voulant éviter toute diversion, avant que l’affaire des isopérimètres fût terminée.

J’omets plusieurs autres problêmes moins importans par leur objet, quoique très-difficiles en ce tems-là. Tel est, par exemple, celui de la courbe d’égale pression, qui fut proposé en 1700, par Jean Bernoulli, & résolu par le Marquis de l’Hopital.

Dans cette lice de combats scientifiques, qui durèrent pendant Varignon, né en 1654, mort en 1722. plus de trente ans, on ne vit point paroître Varignon, qu’on regardoit néanmoins, en France, comme un grand Géomètre. Mais avouons-le sans détour : quoique Lahire, Sauveur, Lagni, &c, reconnussent sa supériorité, il étoit loin d’égaler Léibnitz, Neuton, les frères Bernoulli, & même le Marquis de l’Hopital. Cependant on ne peut pas nier qu’il n’eût beaucoup de savoir & de facilité dans le travail. Son projet d’une nouvelle Méchanique,& la manière adroite dont il applique le parallélogramme des forces aux loix de l’équilibre, lui feront toujours honneur. Il est un des premiers qui ait entendu & commenté le Livre de Neuton. Il possédoit singulièrement l’art de généraliser les méthodes, & d’épuiser, pour ainsi dire, un sujet. Par malheur ses solutions générales ne renfermoient presque jamais d’autres difficultés, que celles des solutions particulières, données par d’autres Géomètres : c’est ce qui faisoit dire assez plaisamment à Jean Bernoulli, quand il avoit résolu quelque problême nouveau & difficile ; M. Varignon nous généralisera cela.

Cette plaisanterie pourroit être souvent renouvellée, & peut-être même appliquée avec plus de justesse. Les moyens d’augmenter nos connoissances, & de les rapprocher les unes des autres, étant aujourd’hui fort variés & fort étendus, rien n’est moins rare, parmi les Savans, que cette faculté de l’esprit, qui semble quelquefois imaginer, tandis qu’elle ne fait réellement qu’imiter & amplifier. Elle est l’appanage de certains hommes studieux qui, dépourvus foncièrement de génie, trouvent dans les écrits des inventeurs, quelques idées accessoires & peu développées qu’ils s’approprient, & auxquelles ils ont l’art de donner l’apparence de la nouveauté. La nature leur accorde ordinairement une opinion très-avantageuse d’eux-mêmes, & le secret de l’inspirer en partie à la médiocrité ou à l’ignorance. Mais les justes appréciateurs du mérite corrigent cette erreur, mettent