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DISCOURS

chacun à sa place, & regardent avec indifférence de vastes édifices de calcul, bâtis sur les fonds d’autrui, qui ne présentent qu’un amas de formules insignifiantes, inutiles au progrès de l’Analyse, & destinées seulement à couvrir les pages d’un livre malheureux.

Dispute entre Léibnitz & Neuton, sur la découverte de la nouvelle Analyse.Il semble que la nouvelle Géométrie offroit un aliment suffisant à la curiosité humaine, & qu’on auroit dû se contenter de cultiver en paix ce champ inépuisable de recherches. Mais plus ces objets étoient grands, plus l’orgueil, toujours prêt à étendre son empire, fut habile à susciter, entre Léibnitz & Neuton, une querelle sur les droits à l’invention de la méthode ; & il faut avouer que si les mouvemens de cette passion pouvoient jamais être excusables, ils le seroient ici, par l’importance de la découverte dont on vouloit connoître le véritable Auteur.

La première étincelle de la guerre fut excitée par Fatio de Duiller, Génevois, retiré en Angleterre, le même qui, dans la suite, donna un étrange spectacle de démence, en voulant ressusciter publiquement un mort dans l’Église de S. Paul de Londres, mais qui avoit alors la tête saine & même de la réputation parmi les Géomètres. Poussé d’un côté par les Anglois, de l’autre, par un ressentiment personnel contre Léibnitz dont il prétendoit avoir reçu de trop foibles marques d’estime, il s’avisa de dire dans un petit Traité sur la courbe de la plus vîte descente & sur le solide de la moindre résistance, qui parut, en 1699, que Neuton étoit le premier inventeur des nouveaux calculs ; qu’il parloit ainsi pour l’honneur de la vérité & l’acquit de sa conscience ; & qu’il laissoit à d’autres le soin de décider ce que Léibnitz, second inventeur, pouvoit avoir emprunté du Géomètre Anglois. Léibnitz fit, à cette attaque imprévue, une réponse modérée, & suffisante pour détruire une assertion hazardée & dénuée de preuves.

Quelque tems après, Keil renouvella l’accusation de Fatio. Léibnitz répondit que Keil, qu’il appelloit d’ailleurs un homme Savant, étoit trop nouveau pour porter un jugement certain de choses arrivées depuis un grand nombre d’années, & qu’il s’en rapportoit là-dessus à Neuton même. Keil revint à la charge, & dans une lettre adressée à Hansloane, Secrétaire de la Société Royale, il ne se contenta plus de dire que Neuton étoit le premier inventeur : il fit entendre assez clairement que Léibnitz, après avoir puisé la méthode dans les écrits de Neuton, se l’étoit appropriée, en y appliquant seulement une notation particulière, ce qui étoit, en termes équivalens, le taxer de plagiat, Léibnitz indigné d’une pareille inculpation, en porta de vives plaintes à la Société Royale, & demanda hautement que l’on réprimât les clameurs d’un homme incon-