& n’auroit-il pas dit nettement que la méthode de Sluze, & celle des fluxions, étoient différentes, s’il avoit possédé la dernière dans un degré aussi parfait qu’on l’a prétendu depuis ? La modestie peut-elle consister à cacher la vérité » Quoi qu’il en soit, Léibnitz n’a pas eu communication de ces deux écrits de Neuton, ou il n’en a tiré aucune lumiere, avant que d’avoir trouvé son calcul différentiel : c’est un point important que les défenseurs de Léibnitz n’ont pas assez discuté jusqu’ici, & dont je donnerai bientôt la preuve démonstrative.
Léibnitz vint en France, en 1672, au sortir des universités d’Allemagne, où il s’étoit principalement occupé du droit & de l’histoire : il étoit néanmoins déjà initié aux Mathématiques, puisqu’’en 1666, il avoit publié un petit Livre sur quelques propriétés des nombres. Il passa à Londres, au commencement de 1673 ; il y vit Oldenbourg, & ils lièrent ensemble un commerce de lettres. Dans une de ces lettres, écrite de Londres même à Oldenbourg, Léibnitz expose qu’ayant trouvé une manière de sommer certaines suites par le moyen de leurs différences, on lui avoit montré cette méthode déjà imprimée dans un Livre de Mouton, Chanoine de S. Paul de Lyon, sur les diamètres du soleil & de la lune ; qu’alors il imagina une autre manière qu’il explique, de former les différences, & d’en conclure les sommes des suites : qu’il est en état de sommer une suite de fractions, dont les numérateurs sont l’unité, & dont les dénominateurs sont, ou les termes de la suite des nombres naturels, ou ceux de la suite des nombres triangulaires, &c. Toutes ces recherches sont ingénieuses, & semblent avoir un rapport, au moins éloigné, au calcul des différences.
Après quelques mois de séjour à Londres, Léibnitz revint à Paris, où il se lia d’amitié avec Huguens, qui lui ouvrit le sanctuaire de la plus profonde Géométrie. Il trouva bientôt la suite, qui donne, pour la quadrature du cercle, une expression analogue à celle que Mercator avoit donnée pour la quadrature de l’hyperbole. Il Ia communiqua à Huguens, qui en fit de grands éloges, & à Oldenbourg, qui lui répondit que Neuton avoit déjà trouvé des choses semblables, non-seulement pour le cercle, mais encore pour toutes sortes de courbes, & qui en envoya des essais. En effet, la théorie des suites étoit très-avancée dès ce tems-là en Angleterre ; & quoique Léibnitz y eut pénétré fort avant de son côté, il a toujours néanmoins reconnu que les Anglois, & principalement Neuton, l’avoient précédé & surpassé dans cette branche de l’analyse : mais elle n’est pas le calcul différentiel, & les Anglois ont montré une partialité trop évidente, en cherchant à lier ensemble ces deux objets,