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DISCOURS

Écoutons & pesons l’histoire que Léibnitz fait de sa découverte du calcul différentiel. Il raconte que joignant ses anciennes remarques sur les différences des nombres, à ses nouvelles méditations de Géométrie, il trouva ce calcul vers l’année 1676 ; qu’il en fit de merveilleuses applications à la Géométrie ; qu’étant obligé, en ce même tems, de retourner à Hanover, il ne put suivre entièrement le fil de ses méditations ; que cherchant néanmoins à faire valoir sa nouvelle découverte, il passa par l’Angleterre & par la Hollande ; qu’il resta quelques jours à Londres, où il fit connoissance avec Collins, qui lui montra plusieurs lettres de Gregori, de Neuton, & d’autres Mathématiciens, lesquelles rouloient principalement sur les Séries. D’après cet exposé, il sembleroit que Léibnitz, voulant répandre sa nouvelle découverte, auroit dès-lors fait connoître le calcul différentiel en Angleterre. Ajoutons que, dans une lettre de Collins à Neuton, du 5 Mars 167, il est dit que Léibnitz ayant passé une semaine à Londres, au mois d’Octobre 1676, avoit remis à Collins quelques écrits[1], dont Neuton recevroit incessamment des extraits ou des copies. Collins ne désigne point la nature de ces écrits, & on n’en trouve aucun vestige dans le commercium epistolicum. Mais si le récit de Léibnitz est fidèle, ou si sa mémoire ne l’a pas trompé, quand il a dit qu’il possédoit le calcul différentiel avant ce second voyage en Angleterre, il lui survint sans doute alors quelque raison particulière de tenir encore sa découverte cachée, contre le projet qu’il avoit formé d’abord de la faire valoir ; car, dans cette même lettre, Collins en rapporte une autre de Léibnitz à Oldenbourg, écrite d’Amsterdam, le Novembre 1676, où Léibnitz propose de construire des Tables de formules, tendantes à perfectionner la méthode de Sluze, au lieu d’expliquer, ou, au moins, d’indiquer le calcul différentiel, comme beaucoup plus expéditif & plus commode. Les Anglois ont donc eu raison de dire qu’à son passage à Londres, en 1676, Léibnitz ne leur a pas appris le calcul différentiel ; mais ils devoient reconnoître que la même lettre prouve, avec la dernière évidence, qu’il n’a non plus rien appris d’eux sur ce sujet. En effet, si, comme ils l’ont avancé depuis, on lui eût donné connoissance de la méthode des fluxions, ne faudroit-il pas qu’il fût tombé en démence pour oser proposer, un mois après, au Secrétaire de la Société Royale, les moyens de perfectionner la méthode de Sluze en elle-même, sans

  1. Ce passage & plusieurs autres grands morceaux de cette lettre ont été supprimés dans le commercium epistolicum. Voyez-la en entier dans les Œuvres de Wallis, t. III, page 646.