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Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p1, A-B.djvu/240

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208 ARI ARI

Et après tout, pouvoient-ils, dans leur position, avouer que leur philosophie, qui faisoit profession. d’avoir réponse à tout, qui s’elevoit jusqu’aux limites du monde, & au-delà, pour en rapporter aux mortels étonnés & reconnoissans la sagesse & le bonheur ; pouvoient-ils avouer que cette science ne produisoit que des doutes, ou tout au plus des conjectures, la plupart arbitraires ? C’eût été commettre toutes les écoles, & ranger les maîtres les plus accrédités au niveau des sophistes, dont le nom étoit devenu une injure, pour avoir mis des mots à la place des idées, & pour avoir usurpé un empire tyrannique sur les esprits par de vains prestiges & de fausses subtilités.

On peut juger, par ce préliminaire, du dégré de confiance que nous avons nous-mêmes dans l’exposé qu’on va lire. Nous ne parlerons point des trois principes métaphysiques du philosophe, la matière, la privation & la forme, qui ne sont que des êtres de raison, des abstractions creuses, qui n’ont ni réalité en elles-mêmes, ni action sur les êtres.

Considérons d’abord le globe de l’univers, comme suspendu au milieu de l’espace. Dans ce globe, il y a, selon Aristote, trois sortes d’essences ou êtres (1) ; l’essence immobile & incorruptible qui remplit la première sphère, & enveloppe l’univers ; l’essence incorruptible & mobile, qui s’étend depuis la première sphère jusqu’à l’orbite de la lune ; & l’essence mobile & corruptible, qui descend depuis l’orbite de la lune jusqu’au centre de la terre (2). De ces trois essences, les deux premières composent la sphère céleste & la troisième la sphère sublunaire.

Toutes ces essences ou substances ont en elles, & par elles-mêmes, leurs qualités essentielles qui ont été de tout temps & seront toujours les causes déterminantes de leurs positions, de leurs formes, de leur état.

Comme des trois essences, il n’y en a que deux qui soient mobiles, il n’y a aussi que deux sortes de mouvement ; l’un rectiligne du centre à la circonférence, ou de la circonférence au centre, produit par la pesanteur, ou la légereté absolue ou relative des substances : l’autre circulaire, pour la substance qui n’est ni pesante ni légère (3).

(1) Aristote entend par Essence, une substance qui a sa forme propre & naturelle, par laquelle elle est constituée, ce qu’elle est. De Anim. 2, I, A.

(2) De Caelo, I, 2. 3.

(3) De Caelo, I. 2. Ocellus avoit pris pour principes actifs dans le monde sublunaire ; les quatre qualités contraires inhérentes aux éléments ; le chaud

La portion de la matière sublunaire, qui étoit douée d’une légèreté absolue, forma par son mouvement rectiligne du centre à la circonférence la sphère du feu élémentaire. Celle qui avoit la pesanteur absolue eût le mouvement rectiligne de la circonférence an centre ; c’est la sphère de la terre : deux masses, entre lesquelles se trouvèrent nécessairement l’air & l’eau, qui ont à la fois la pesanteur & la légèreté relative ; l’air étant plus pesant que le feu, & plus léger que l’eau, l’eau étant plus légère que la terre & plus pesante que l’eau. (1) Ainsi il y eut d’abord autour du centre quatre espèces de corps principes ou élémentaires, renfermés sous l’orbite de la lune, la terre, l’eau, l’air & le feu ; où ils éprouvent différens changemens successifs, tant par les contrariétés réciproques de leurs qualités, que par l’action des astres, dont les allées & les retours périodiques ramènent aussi des différences périodiques dans ces élémens.

Quittons la sphère fublunaire, & élevons-nous dans l’espace céleste, où règnent les Dieux. Là, nous trouverons une cinquieme nature, ou Quintessence, qui se meut circulairement, parce qu’elle n’est ni grave ni légère ; qui n’est sujette à aucune altération, parce qu’elle ne rencontre rien qui lui soit contraire (2) ; qui est la parure des astres, ou le nectar des Dieux, parce qu’elle est simple & pure comme eux. On la connoît encore sous le nom d’Ether, substance toujours la même, & toujours courante,  .

Enfin au-dessus de cette substance éthérée est l’essence du premier moteur, qui meut sans se mouvoir, ni être mu : éther de l’éther, substance indivisible, infinie, Dieu en un mot, être vivant, éternel, dont la pensée fait la vie (3). Voilà donc Dieu remplissant la sphère extérieure du monde, embrassant, comme dans son sein, les cinq essences ou substances, l’éther, le feu élémentaire, l’air, l’eau, la terre, comme des sphères concentriques dont la terre est le noyau central.

Quel est le principe d’activité, ou de causalité qui agit dans ces sphères ?

Dès qu’Aristote suppose que les cinq essences ont par elles-mêmes, de toute éternité, leurs qualités actives & en action, en vertu desquelles

le froid, le sec, l’humide. Aristote trouva que les mêmes effets pouvoient être produits par la gravité, & par la légèreté.

(1) De Coelo, 4. 4. 5.

(2) De Coelo, 1. 3.

(3) Arist. Metaph. 14. 7. A.