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sur le destin : il n’est ni moins hardi ni plus chrétien dans son livre sur les enchantemens. Le zèle exagéré qu’il avoit pour la philosophie d’Aristote le faisoit donner dans des travers extraordinaires. Dans ce livre on trouve des assertions qui paroitront fort étranges : nous allons en faire un extrait assez détaillé. Cet ouvrage est très-rare, & peut-être ne sera-t-on pas fâché de trouver ici sous ses yeux ce qu’on ne pourroit se procurer que très-difficilement. Voici donc les propositions de ce philosophe.

1°. Les démons ne connoissent les choses, ni par leur essence, ni par celle des choses connues, ni par rien qui soit distingué des démons.

2°. Il n’y a que les sots qui attribuent à Dieu ou au démon les effets dont ils ne connoissent pas les causes.

3°. L’homme tient le milieu entte les choses éternelles & les choses créées & corruptibles, d’où vient que les vertus & les vices ne se trouvent point dans notre nature ; il s’y trouve seulement la semence des vertus & des vices.

4°. L’ame humaine est toutes choses, puisqu’elle renferme, & la sensation & la perception.

5°. Quoique le sentiment & ce qui est sensible soient par l’acte même dans l’ame seulement, selon leur être spirituel, & non selon leur être réel, rien n’empêche pourtant que les espèces spirituelles ne produisent elles-mêmes réellement les choses dont elles sont les espèces, si l’agent en est capable, & si le patient est bien disposé. Pomponace traite cet article fort au long, parce qu’il prétend démontrer par-là que la force de l’imagination est telle qu’on peut lui attribuer les effets extraordinaires qu’on raconte ; tous les mouvemens des corps qui produifent des phénomènes extraordinaires, il les attribue à l’imagination ; il en donne pour exeemple les illusions, & ce qui arrive aux femmes enceintes.

6°. Quoique, par les espèces qui sont reçues dans l’ame & par les passions, il arrive des effets surprenans ; rien n’empêche qu’il n’arrive des effets semblables dans des corps étrangers ; car il est certain qu’un patient étant disposé au dehors comme intérieurement, l’agent a assez d’empire sur lui pour produire les mêmes effets.

7°. Les démons meuvent immédiatemeent les corps d’un mouvament local : mais ils ne peuvent causer immédiatement une altération dans les corps ; car l’altération se fait par les corps naturels qui sont appliqués par les démons aux corps qu’ils veulent altérer & cela en secret ou ouvertement. Avec ces seuls principes, Pomponace fait sa démonstration.

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8°. Il suit de-là qu’il est arrivé beaucoup de choses, selon le cours ordinaire, par des causes. inconnues, & qu’on a regardées comme miracles, ou comme les œuvres du démon, tandis qu’il n’en étoit rien.

9°. Il suit de-là encore, que s’il est vrai, comme disent des gens dignes de foi, qu’il y a des herbes, des pierres ou d’autres choses propres à éloigner la grêle, la pluie & les vents, & qu’on puisse s’en servir ; cornme les hommes peuvent trouver cela naturellement, puisque cela est dans la nature, ils pourront donc faire cesser la grêle, arrêter la pluie sans miracle.

10°. De-là il conclut que plusieurs personnes ont passé pour magiciennes, & pour avoir un commerce avec le diable, tandis qu’elles croyoient peut-être avec Aristote, qu’il n’y avoit pas de démons ; & que par la même raison, plusieurs ont passé pour saints, à cause des choses qu’ils opéroient, & n’étoient pourtant que des scélérats.

Que si l’on croit qu’il y en a qui font des signes saints par eux-mêmes, comme le signe de la croix, & que d’autres font le contraire ; il répond que c’est pour amuser le peuple, ne pouvant croire que des personnes savantes, aient tant étudié pour augmenter le mal qui se trouve dans le monde.

Avec de tels principes, ce philosophe incrédule renverse aisément tous les miracles, même ceux de Jésus-Christ : mais pour ne pas paroitre sans religion, & éviter par-là les poursuites dangereuses, (car il étoit en Italie), il dit que s’il se trouve dans l’ancien & dans le nouveau testament des miracles de Jésus-Christ ou de Moïse, qu’on puisse attribuer à des causes naturelles, mais qu’il y soit dit que ce sont des miracles, il faut le croire à cause de l’autorité de l’église.

Il s’objecte qu’il y a plusieurs effets qu’on ne sauroit attribuer à des causes naturelles, comme la résurreetion des morts, la vue rendue aux aveugles : mais il répond que les histoires des payens nous apprennent que les démons ont fait des choses semblables & qu’ils ont fait sortir des morts de l’enfer, & les ont reproduits sur la terre, & qu’on a guéri des aveugles par la vertu de certaines herbes. Il veut détruire en chrétien ces réponses : mais il le fait d’une manière à faire connoître davantage son incrédulité ; car il dit que ces réponses sont mauvaises, parce que les théologiens l’assurent ; & dans la suite il marque un grand mépris pour les théologiens.

Il est surprepant, dit Pomponace, qu’un aussi grand philosophe qu’Aristote n’eût pas reconnu l’opération