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234 ARI ARI

Tout ce qui commence doit avoir une fin ; il n’est donc pas surprenant que les oracles aient cessé.

L’ancienne loi, selon l’ordre, demandoit des oracles : la nouvelle n’en veut point, parce que c’est un autre arrangement, il falloit faire contraaer d’autres habitudes.

Comme il est fort difficile de quitter une ancienne habitude pour en prendre une nouvelle, il s’ensuit que les miracles etoient nécessaires pour faire adopter la nouvelle loi, & abandonner l’ancienne.

Lorsque l’ordre des cieux commencera à changer, tout changera ici bas : nous voyons que les miracles furent d’abord foibles, & la religion aussi ; les miracles devinrent plus surprenans, la religion s’accrut ; les miracles ont cessé, la religion diminue : tel est l’ordre des cieux ; il varie & il variera si fort, que cette religion cessera de convenir aux hommes.

Moïse a fait des miracles, les païens aussi, avec eux Mahomet & Jésus-Christ. Cela est nécessaire, parce qu’il ne sauroit y avoir de changement considérable dans le monde sans le secours des miracles.

La nature du miracle ne consiste pas en ce qu’il est hors de la sphère des choses ordinaires, mais en ce que c’est un effet rare, dont en ne connoit pas la cause, quoiqu’elle se trouve réellement dans la nature.

Telles sont, en partie, les opinions de Pomponace : il avoue néanmoins que Jésus-Christ doit être préféré à Aristote & à Platon. « Et « quoique, dit-il, tous les miracles qui sont « arrivés puissent s’expliquer naturellement, il « faut pourtant croire qu’ils ont été faits sur- « naturellement, en faveur de la religion, « parce que l’église veut qu’on le croie ».

Il avoit pour maxime de parler comme le vulgaire, & de penser comme un philosophe ; c’est-à-dire, qu’il croit chrétien de bouche & incrédule dans le cœur. » Je parle, dit-il, en un endroit, « pour des philosophes qui sont même les seuls le hommes qui soient sur la terre ; car pour « les autres, je les regarde comme de simples « figures propres à remplir les vides qui se trou- « vent dans l’univers ».

Il n’est point de mon sujet de réfuter les principes de Pomponace, mais seulement de les exposer fidèlement. Ce philosophe eut plusieurs disciples parmi lesquels se trouve Hercule de Gonzague, qui fut cardinal dans la suite, & qui eut tant d’estime pour son maître, qu’il le fit inhumer dans le tombeau de ses ancêtres. Il paroit par une lettre de Scaliger qu’il a été disciple de Pomponace.

Augustin Niphus fut l’adversaire le plus redoutable de Pomponace : ce fut un des plus célèbres peripatéticiens de son siècle. Il naquit dans la Calabre, quoique plusieurs l’aient cru suisse. Il est vrai que Niphus lui-même donna occasion à cette erreur ; car il se disoit suisse, parce qu’il avoit vécu long-temps dans ce pays-là & qu’il s’y étoit marié. Son père se remaria après avoir perdu la mère de Niphus : sa marâtre étoit cruelle & injuste ; elle poussa sa haine si loin, que Niphus, quoique fort jeune, fut obligé d’abandonner la maison de son père, Il s’enfuit à Naples, où il eut le bonheur de rencontrer un suisse à qui il plut : il le regarda comme un de ses enfans, & lui donna la même éducation. On l’envoya faire ses études à Padoue ; il y étudia la philosophie des péripatéticiens & s’adonna à la médecine.

Selon la coutume de ce temps là, dans l’Italie ; çeux qui n’embrassoient pas l’état ecclésiastique joignoient l’étude de la médecine à l’étude de la philosophie : c’est pourquoi Niphus fut dans son siècle aussi bon médecin que célèbre philosophe. Il avoit eu pour maitre un péripatéticien fort attaché aux opinions d’Averroès, sur-tout à celle de l’existence d’une seule ame : il avoit apporté tant d’argumens pour prouver ce sentiment, que le peuple & les petits philosophes l’adoptèrent avec lui ; de sorte que cette opinion se répandit dans toute l’Italie.

Il avoit encore enchéri sur Averroès ; il soutenoit, entr’autres choses, qu’il n’y avoit d’autres substances immatérielles que celles qui faisoient mouvoir les sphères célestes. Niphus n’examina point dans la suite si ce que son maître lui avoit appris, étoit bien fondé ; il ne chercha que les moyens les plus propres à bien défendre les opinions de ce maitre.

Il écrivit dans ce dessein son livre de l’entendement & des démons. Cet ouvraze fit beaucoup de bruit : les moines se recrièrent hautement sur les erreurs qu’il contenoit : ils excitèrent contre lui une si violente tempête, qu’il eut toutes les peines du monde à ne pas faire naufrage. Cela le rendit plus sage & plus prudent dans la suite. Il enseigna la philosophie dans les plus célèbres académies de l’Italie, & où Achillinus & Pomponace étoient en grande réputation ; comme à Pife, Bologne, Salerne, Padoue, & enfin à Rome, dans le collège de la Sapience.

Niphus nous assure que la ville de Bologne, &