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35. Celui qui étudie la sagesse a neuf qualités en vue ; la perspicacité de l’œil, la finesse de l’oreille, la sérénité du front, la gravité du corps, la véracité du propos, l’exactitude dans l’action, le conseil dans les cas douteux, l’examen des suites dans la vengeance & dans la colere.

La morale de Confucius est, comme l’on voit, bien supérieure à sa métaphysique & à sa physique. On peut consulter Bulfinger sur les maximes qu’il a laissées du gouvernement de la famille, des fonctions de la magistrature, & de l’administration de l’empire.

Comme les mandarins & les lettrés ne font pas le gros de la nation, & que l’étude des lettres ne doit pas être une occupation bien commune ; la difficulté en étant là beaucoup plus grande qu’ailleurs, il semble qu’il resteroit encore bien des choses importantes à dire sur les Chinois, & cela est vrai ; mais nous ne nous sommes pas proposé de faire l’abrégé de leur histoire, mais celui seulement de leur philosophie. Nous observerons cependant, 1o. que, quoiqu’on ne puisse accorder aux Chinois toute l’antiquité dont ils se vantent, & qui ne leur est guère disputée par leurs panégyristes, on ne peut nier toutefois que la date de leur empire ne soit très-voisine du déluge.

2o. Que plus on leur accordera d’ancienneté, plus on aura de reproches à leur faire sur l’imperfection de leur langue & de leur écriture : il est inconcevable que des peuples à qui l’on donne tant d’esprit & de sagacité, aient multiplié à l’infini les accens, au lieu de multiplier les mots, & multiplié à l’infini les caractères, au lieu d’en combiner un petit nombre.

3o. Que l’éloquence & la poésie tenant de fort près à la perfection de la langue, ils ne sont selon toute apparence ni grands orateurs ni grands poëtes.

4o. Que leurs drames sont bien imparfaits, s’il est vrai qu’on y prenne un homme au berceau, qu’on y représente la suite de toute sa vie, & que l’action théatrâle dure plusieurs mois de suite.

5o. Que dans ces contrées le peuple est très-enclin à l’idolâtrie, & que son idolâtrie est fort grossière, si l’histoire suivante qu’on lit dans le P. le Comte est bien vraie.

Ce missionnaire de la Chine raconte que les médecins ayant abandonné la fille d’un Nankinois, cet homme qui aimoit éperduement son enfant, ne sachant plus à qui s’adresser, s’avisa de demander sa guérison à une de ses idoles. Il n’épargna ni les sacrifices, ni les mêts, ni les parfums, ni l’argent. Il prodigua à l’idole tout ce qu’il crut lui être agréable ; cependant sa fille mourut. Son zèle alors & sa piété dégénérèrent en fureur ; il résolut de se venger d’une idole qui l’avoit abusé. Il porta sa plainte devant le juge, & poursuivit cette affaire comme un procès en règle qu’il gagna, malgré toute la sollicitation des Bonzes, qui craignoient avec juste raison que la punition d’une idole qui n’exauçoit pas, n’eût des suites fâcheuses pour les autres idoles & pour eux.

Ces idolâtres ne sont pas toujours aussi modérés lorsqu’ils sont mécontens de leurs idoles ; ils les haranguent à-peu-près dans ces termes : « Crois-tu que nous ayons tort dans notre indignation ? sois juge entre nous & toi ; depuis long-tems nous te soignons ; tu es logée dans un temple, tu es adorée de la tête aux pieds ; nous t’avons toujours servi les choses les plus délicieuses ; si tu n’en as pas mangé, c’est ta faute. Tu ne saurois dire que tu aies manqué d’encens ; nous avons tout fait de notre part, & tu n’as rien fait de la tienne : plus nous te donnons, plus nous devenons pauvres ; conviens que si nous te devons, tu nous dois aussi. Or, dis-nous de quels biens tu nous as comblés ? » La fin de cette harangue est ordinairement d’abattre l’idole & de la traîner dans les boues.

Les bonzes débauchés, hypocrites, & avares, encouragent le plus qu’ils peuvent à la superstition. Ils en sont sur-tout pour les pélérinages, & les femmes aussi qui donnent beaucoup dans cette dévotion, qui n’est pas fort du goût de maris jaloux au point que nos missionnaires ont été obligés de bâtir aux nouveaux convertis des églises séparées pour les deux sexes. Voyez le P. le Comte.

6o. Qu’il paroît que parmi les religions étrangères tolérées, la religion chrétienne tient le haut rang : que les mahométans n’y sont pas nombreux, quoiqu’ils y aient des mosqués superbes : que les jésuites ont beaucoup mieux réussi dans ce pays que ceux qui y ont exercé en même tems ou depuis les fonctions apostoliques : que les femmes chinoises semblent fort pieuses, s’il est vrai, comme dit le P. le Comte, qu’elles voudroient se confesser tous les jours, soit goût pour le sacrement, soit tendre piété, soit quelqu’autre raison qui leur est particulière : qu’à en juger par les objections de l’empereur aux premiers missionnaires, les Chinois ne l’ont pas embrassée en aveugles. Si la connoissance de J.-C. est nécessaire au salut, disoit cet empereur aux missionnaires, & que d’ailleurs Dieu nous ait voulu sincérement sauver, comment nous a-t-il laissés si long-tems dans l’erreur ? Il y a plus de seize siècles que votre religion est établie dans le monde, & nous n’en avons rien sû. La Chine est-elle si peu de chose qu’elle ne mérite pas qu’on pense à elle, tandis que tant de barbares sont éclairés ! C’est une difficulté qu’on propose tous les jours sur les bancs en