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ARÉ

fit imprimer en 1769, à Paris, un eſſai ſur une méthode de rendre les aréomètres ou pèſe-liqueurs comparables. Ce petit mémoire de 32 pages in-12 qui fut alors diſtribué parmi les ſavans, avoit été préſenté, ſelon que le dit l’auteur, à l’académie des ſciences, avant que M. de Montigny & M. Lavoiſier euſſent lu des mémoires ſur la même matière. Le principe ſur lequel ce phyſicien ſe fonde, eſt cette vérité hydroſtatique, que le poids d’un volume de liqueur déplacé par un corps qui y flotte, eſt toujours égal au poids total de ce corps ; d’où il conclut que deux aréomètres de même matière, de même forme & d’un poids égal, déplaceroient, dans la même liqueur ou dans des liquides de différentes eſpèces, des volumes de liqueurs également peſans.

« Que ces pèſe-liqueurs, dit M. le Raz, quels que ſoient leurs volumes, pèſent 600 grains, par exemple, & qu’ils ſoient ſucceſſivement plongés dans la même eau, ils en déplaceront chacun un volume qui pèſera 600 grains. Que l’on faſſe une marque ſur leur tige au terme de leur immerſion, & qu’on les plonge enſuite dans une liqueur moins denſe, dans de l’eſprit-de-vin, par exemple, les volumes déplacés ſont encore de 600 grains ; mais à cauſe de la différente denſité de ces liqueurs, les inſtrumens s’enfonceront davantage dans la ſeconde que dans la première. Faites une nouvelle marque, pour indiquer la profondeur de cette ſeconde immerſion ; diviſez enſuite en parties égales l’espace compris entre les deux marques, & continuez cette diviſion ſur la longueur de la tige ; il eſt évident que, plongés dans la même liqueur, leur enfoncement, plus ou moins grand, mais toujours proportionnel, ſera annoncé par le même nombre de degrés de leur échelle. Voilà donc déjà deux pèſe-liqueurs ou deux aréomètres comparables entr’eux. »

S’agit-il de régler & de graduer deux aréomètres, dont le poids ſoit encore de 600 grains ? qu’on le plonge dans un vaſe rempli en partie d’eau de pluie diſtillée, & que ce vaſe ſoit lui-même plongé dans un vaiſſeau plus grand, contenant d’eau ordinaire & de glace pilée, pour réduire l’eau diſtillée à la température de cinq degrés, échelle de Réaumur. Si on marque alors ſur la tige de chacun de ces inſtrumens le point de leur immerſion, on aura un terme fixe qu’on retrouvera facilement en tout temps. Pour avoir un ſecond terme également fixe, l’eau du vaiſſeau étant toujours à la même température, on chargera les aréomètres, par exemple, d’un poids de 40 grains chacun : alors ils prendront un nouvel enfoncement proportionnel & relatif à la charge qu’on leur aura ajoutée ; on marquera exactement ce point, & on divisera l’eſpace compris entre les deux immerſions en 40 parties égales : après, la diviſion ſera continuée ſur toute la longueur des tiges qu’on ſuppoſe bien cylindriques, & on aura de cette manière deux aréomètres très comparables l’un à l’autre. Il est inutile d’observer que l’addition du poids équivaut à une diminution proportionnelle de denſité dans le liquide, dans lequel ils sont plongés.

L’eau, dans toutes les conſtructions d’aréomètres, a toujours été priſe pour la meſure commune des autres liqueurs. Sa peſanteur ſpécifique étant regardée comme l’unité, celles des autres liqueurs en ſont conſéquemment des parties fractionnaires. Pour éviter le petit embarras qui en résulte, M. de Lanthenée conſidère cette unité comme compoſée elle-même d’un certain nombre de parties, par exemple, de mille : c’eſt pourquoi il preſcrit de former des aréomètres de mille grains. Ces inſtrumens étant plongés dans l’eau avec les conditions précédentes, on écrit le nombre 1 000 au niveau de la première immerſion, & on diviſe le reſte de leurs tiges en parties égales entr’elles, & dont le nombre doit être le même que celui des grains, dont la charge produit le ſecond enfoncement. Ces parties expriment alors les différences des volumes déplacés, & conſéquemment leur denſité ou leur peſanteur ſpécifique.

L’aréomètre dont on vient de parler, plongé dans l’eau diſtillée à 5 degrés de température, déplaceroit certainement un volume de liquide qui péſeroit mille grains, & conſéquemment s’enfonceroit dans ce liquide juſqu’au nombre 1 000. Si on le plongeoit enſuite dans une liqueur moins denſe, il en déplaceroit encore mille grains ; mais l’enfoncement y ſeroit plus grand. Suppoſons, avec ce phyſicien, que ſon immerſion le portât au nombre 1 020, il déplaceroit dans cette liqueur, de volume en ſus, par conſéquent les deux volumes déplacés ſeroient entr’eux comme 1 000 eſt à 1 020. Comme leurs peſanteurs ſpécifiques ſont en raiſon réciproque de leurs volumes, celle de l’eau diſtillée ſeroit à celle de l’autre liqueur, comme 1 000 : 980 .

On obſervera, 1o. qu’il n’eſt pas abſolument néceſſaire que les liqueurs employées ſoient refroidies par la glace ; cette condition eſt preſcrite ſeulement, lorſqu’il s’agit de la conſtruction des aréomètres ; il ſuffit ſeulement, pour l’uſage ordinaire, que les liqueurs ſoient à la même température, comme il arrive lorſqu’elles ont été environ une demi-heure dans le même lieu. 2o. Que toutes les liqueurs n’étant point également dilatables au même degré de chaleur, & que leurs peſanteurs ſpécifiques variant ſenſiblement d’un degré à un autre, ſans qu’il ſoit poſſible d’aſſigner la progreſſion ſelon laquelle ces changemens arrivent, il eſt cependant néceſſaire, pour une exactitude parfaite, que dans le ſervice de cet inſtrument, les liqueurs ſoient réduites à la température employée pour la graduation ; c’eſt-à-dire, de cinq degrés.

Tous les ouvriers n’étant pas également habiles,