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ARÉ
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mètre à godet, montre non ſeulement en millièmes le rapport d’une liqueur à l’eau pure ; mais encore en poids de marc, ce que pèſe une meſure déterminée de cette liqueur, & ce qu’un poids donné de cette même liqueur a de volume. Il a de plus l’avantage d’être petit, & par conſéquent commode, de marquer plus ſenſiblement & plus ſurement la peſanteur ſpécifique de la liqueur qui lui eſt ſoumiſe, & de pouvoir être appliqué à une très-petite quantité de cette liqueur.

Cet aréomètre ou pèſe-liqueur eſt un tube de verre terminé en bas par une petite bouteille leſtée en mercure ; & en haut par une tige courte & mince qui porte un léger godet d’ivoire. Son poids eſt de 1 000 grains, & ſon volume, à compter d’un point marqué ſur la tige, eſt égal au volume de 1 000 grains d’eau pure, à la température de 10 degrés. Pour le conſtruire, on prend un tube de 4 à 5 pouces de longueur, ſur 1 pouce environ de diamètre (le plus leger eſt le meilleur) : on le ferme hermétiquement à l’une de ſes extrémités, & à cette partie on ſoude une petite bouteille qu’on fait venir en poire, de manière que ſa queue mince puiſſe être ouverte ou fermée ſelon le beſoin. Je fais entrer, dit D. Casbois à qui on doit encore cet inſtrument ; je fais entrer dans cette bouteille aſſez de mercure pour que le tout pèſe exactement 1 000 grains, & je ſcelle l’extrémité de la queue. Tenant enſuite la boule en bas, je le plonge doucement dans un vaſe plein d’eau diſtillée & miſe à la température de 10 degrés. Lorſque le tube, laiſſé à lui-même, y a pris ſon équilibre, je marque l’endroit où la ſurface de l’eau vient le couper : puis le portant à la lampe, & dirigeant la flamme 2 lignes au-deſſous de la marque, j’enlève la partie ſupérieure du tube qui a surnagé : à cette partie je ſubſtitue une tige de 15 à 20 lignes de longueur, ſur une ligne de diamètre, au bout de laquelle j’adopte un léger godet d’ivoire, capable de contenir 500 grains, poids de marc.

Je vérifie enſuite le poids de mon aréomètre. Si, après le changement que je viens d’y faire, il pèſe plus ou moins de 1 000 grains, je rectifie ce défaut en introduiſant dans la bouteille, ou en faiſant ſortir une quantité convenable de mercure : après quoi je ferme ſolidement la bouteille, & je ne touche plus au poids de l’inſtrument, que pour le faire aller à des liqueurs plus légères que l’eau.

Il me reſte à fixer également le volume de 1 000 grains d’eau que l’aréomètre doit avoir depuis le milieu de ſa tige juſqu’en bas. Pour cet effet, je le plonge dans l’eau diſtillée dont je viens de parler : s’il y deſcend & s’y arrête lorſque la ſurface de l’eau vient couper la tige vers le milieu, il eſt clair qu’il a le volume que je voulois lui donner. Je marque cet endroit de la tige par un point d’émail, & l’aréomètre eſt fait. S’il deſcend totalement dans l’eau, ou s’il n’y dëſcend pas aſſez je porte à la lampe l’extrémité ſupérieure du tube, je l’enfle ou je la diminue juſqu’à ce que je parvienne au point d’immerſion que je dois marquer ſur la tige.

L’aréomètre, tel que je viens de le décrire, eſt applicable aux eaux ſalées & nitreuſes, aux eſprits de ſels, aux ſyrops, en général aux liqueurs plus peſantes que l’eau pure. Pour le faire aller aux liqueurs plus légères que l’eau, à l’eſprit-de-vin, par exemple, aux eaux-de-vie ; aux huiles, aux vins, &c. il ſuffit de diminuer ſon leſte, en ouvrant la bouteille inférieure & en faiſant ſortir une quantité convenable de mercure. Que j’en tire ſeulement 10 grains, l’aréomètre eſt en état de peſer tous les vins ; si j’en tire 170, il pèſera toutes les liqueurs légères, juſqu’à l’eſprit-de-vin le plus rectifié. Quand j’ai fait ſortir de la bouteille autant de mercure que je le juge à propos, je la referme hermétiquement, & je remarque ſur le godet le poids fixe auquel j’ai réduit l’aréomètre.

Voici la manière de ſe ſervir de cette eſpèce de balance. On plonge l’aréomètre dans la liqueur qu’on veut peſer, & le laiſſant nager librement, on met ſur le godet autant de grains, poids de marc, qu’il en faut, pour le faire deſcendre juſqu’au point d’émail. Alors l’aréomètre fait équilibre avec un volume de cette liqueur égal à celui de 1 000 grains d’eau. Ce volume eſt de 2 pouces cubes 2 tiers ou la 18e partie de la pinte de Paris. On en conclut que 2 pouces cubes 2 tiers de cette liqueur pèſent autant que l’aréomètre chargé des grains qu’on a mis ſur le godet. C’est-à-dire, que ſi le poids fixe de l’aréomètre eſt de 830 grains, & que l’on ait mis ſur le godet 60 grains, le volume de 2 pouces cubes deux tiers de la liqueur pèſera 890 grains.

On en conclut encore qu’une meſure quelconque de cette liqueur eſt à une pareille meſure d’eau, comme le poids total de l’aréomètre eſt à 1 000. Ainſi, en ajoutant le poids fixe de l’aréomètre aux grains qu’on a mis ſur le godet, & en comparant cette ſomme qui exprime la peſanteur de la liqueur, à 1 000 qui exprime la peſanteur de l’eau, on voit par la différence en plus ou moins, de combien de millièmes cette liqueur pèſe plus ou moins que l’eau.

Suppoſons, par exemple, que l’aréomètre pèſe 990 grains, & qu’en le plongeant dans du vin, on ait mis ſur le godet 3 grains pour le faire deſcendre au point d’émail ; la peſanteur de ce vin ſera exprimée par 993 & la différence, 7, entre 993 & 1 000 ſignifiera, que le vin eſt de 7 millièmes plus léger que l’eau pure.

Lorſqu’une liqueur eſt compoſée de deux autres liqueurs connues, on pourroit, par le moyen de l’aréomètre et d’un calcul aiſé, connoître à-peu-près