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ACI

géné fait avec promptitude ce qu’opère à la longue l’expoſition ſur les prés dans le blanchiment ordinaire.

M. Berthollet a formé de la poudre avec du muriate oxigéné, au lieu de ſalpètre. Ce ſel muriatique oxigéné, ou ſel marin de potaſſe, avec excès d’air pur, jeté ſur les charbons ardens, détonne avec beaucoup de force. Il n’eſt donc pas étonnant que ſubſtitué au nitre pour fabriquer de la poudre à canon, il donne à celle-ci une force conſidérable. Le procédé pour la faire eſt, à ce nouveau ſel même près, le même que celui qui eſt généralement uſité. Mais cette nouvelle poudre eſt très-dangereuſe, ainſi que le prouve le terrible accident arrivé, le 28 octobre 1788, à la fabrique des poudres royales, près d’Eſſonne. M. Berthollet ayant voulu en faire l’épreuve devant les régiſſeurs des poudres, Mrs. Lavoiſier & Letors, on prépara en plein air un moulin à bras à un ſeul piſton, avec une levée qui traverſoit une eſtacade ſolide, derrière laquelle les ouvriers & les régiſſeurs devoient être en ſûreté. L’épreuve commença à 6 heures du matin. Seize livres de matière, enſuite vingt, furent employées, & le charbon mouillé par précaution. À huit heures & demie la poudre ſe trouva aſſez avancée pour qu’on pût ſuſpendre le battage. Un quart d’heure après, l’exploſion eut lieu : la machine fut miſe en pièces, & M. Letors & une autre perſonne, fracaſſés, furent jetés à trente pieds de diſtance, & expirèrent bientôt. Les travailleurs ordinaires étoient alors éloignés.

Acide fluorique. On retire l’acide fluorique du ſpath fluor : c’eſt Schéele qui l’a découvert dans ſon état de pureté, il eſt ſous forme de gaz. Ce gaz acide fluorique uni avec l’eau, forme l’acide fluorique liquide, qui a une odeur très-pénétrante & une forte cauſticité. Il eſt inutile de dire que cet acide rougit le ſyrop de violettes & qu’il diſſout la terre ſiliceuſe qui conſtitue le verre. Le gaz acide fluorique, à force de corroder le verre, le perce même ; il ronge auſſi la peau qui eſt ſoumiſe pendant quelque temps à ſon action. Voyez le mot Gaz ; Gaz acide ſpathique ou fluorique.

Lorſque le gaz acide fluorique eſt produit, en diſtillant parties égales d’acide ſulfurique (vitriolique) & de ſpath fluor pur, ſans ſilice, dans une cornue de plomb, il eſt alors dans la plus grande pureté. Mais ſi on l’a obtenu par la diſtillation dans une cornue de verre, & qu’on le reçoive dans un vaſe où il y a de l’eau, on obſerve une précipitation ſingulière d’une terre blanche très-fine & qui eſt de la terre ſilicée du verre des vaiſſeaux, diſſoute par l’acide, ainſi que Meyer l’a prouvé.

Tout cela ſuppoſé, on ne ſera pas ſurpris que, en chauffant une cornue qui contient de l’acide fluorique liquide, & dont le bec eſt adapté à l’appareil au mercure, cet acide ſoit décompoſé, & qu’on obtienne du gaz acide fluorique dans le flacon renverſé & plein de mercure ſur la tablette de la cuve hydrorgiro-pneumatique ; & que l’eau reſte pure, dans la cornue.

La propriété qu’a l’Acide ſpathique (Acide fluorique) de corroder le verre, fit imaginer à M. le comte de G… de graver ſur le verre, avec cet acide, de la même manière que l’on grave ſur le cuivre avec l’acide nitreux (acide nitrique). Le moyen qu’il employe (ainſi qu’on le voit dans les annales de chimie de M. Crell, année 1786, page 294, ſelon le rapport de M. Klaproth) ſe réduit à enduire des lames de verre d’une couche de vernis des graveurs ; de découvrir avec une pointe les endroits de la lame qu’on veut graver ; de les border avec de la cire ; de verſer dans cette eſpèce de cadre de l’acide ſulfurique & du fluate calcaire en poudre : le fluate ſe décompoſe, l’acide ſulfurique forme du ſulfate calcaire avec la baſe, & l’acide fluorique dégagé ſe porte ſur les parties découvertes du verre, & les corrode.

On a objecté que dans ce procédé il étoit difficile de pouvoir graver, parce qu’alors on ne ſe ſervoit que d’un acide fluorique, altéré par le ſulfurique employé, & que la ſélénite formée, pendant l’opération, doit néceſſairement boucher les traits tracés par l’échoppe, & les rendre baveux & d’une profondeur inégale. Mais on a répondu que dans ce procédé on avoit ſoin d’empêcher l’évaporation en couvrant le plateau d’une aſſiette de porcelaine, ou de quelque choſe de ſemblable, après avoir auparavant verſé le mélange préparé à l’inſtant & très-promptement, & qu’on ne lève l’appareil qu’au bout d’un ou deux jours, temps ſuffiſant, après lequel on trouve le trait bien gravé.

M. le profeſſeur Klaproth publia enſuite un ſecond procédé de cette méthode, qui conſiſtoit à expoſer une pièce de verre ou de porcelaine (ſur laquelle on a tracé préalablement un vernis & un deſſin), de manière qu’elle puiſſe recevoir la vapeur ou gaz ſpathique : alors les traits du deſſin deviennent plus fins & plus réguliers. Voici comment il faut opérer. On dreſſe debout trois ou quatre petits bâtons de bois, de manière qu’une ſoucoupe ou une aſſiette puiſſe y entrer ; au-deſſus de ces bâtons eſt placée horiſontalement, & à la diſtance d’un pouce de la ſoucoupe ou de l’aſſiette, la pièce de verre ou de porcelaine deſſinée comme il a été dit. Il faut verſer dans la ſoucoupe, ou aſſiette, le mélange compoſé de ſpath fuſible & d’huile de vitriol, & achever de bien mêler ces deux ſubſtances. Le côté deſſiné de la pièce peut être mis au-deſſous ou au-deſſus ; dans le dernier cas, les traits s’impriment moins fortement & deviennent plus fins. Lorſque cet appareil eſt fini, on a ſoin de le couvrir avec une écuelle ou un vaſe de terre creux, enduit de cire.

On peut employer ce procédé de graver ſur verre pour la confection des micromètres ſi utiles aux aſtronomes : on ſait que ces inſtrumens ſont très-difficiles à faire, car il arrive ſouvent que le diamant fait ſauter de petits éclats, & que le micromètre eſt manqué. Cet inconvénient ne peut jamais ſe rencontrer avec le procédé de graver au ſpath fuſible mêlé à l’huile de vitriol.

Cette