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milliards quatre cents millions de pouces quarrés, donnera chaque jour, par l’évaporation, trois milliards deux cents quarante millions de pouces cubiques, leſquels font un million huit cent ſoixante-quinze mille pieds cubiques d’eau. Ce dernier réſultat, multiplié par le premier quatre cent cinq mille, donnera pour produit, ſept cent cinquante-neuf milliards trois cent ſoixante-quinze millions de pieds cubiques d’eau qui s’exhaleront de la ſurface entière de la méditerranée, dans l’eſpace d’un jour ; ſomme prodigieuse. On peut faire de ſemblables calculs pour les autres mers, pour la mer morte, pour la mer qui est entre les tropiques, & on trouvera des réſultats immenses. Ceux qui ſeront curieux de voir plus de détail ſur ce ſujet, pourront consulter notre ouvrage de l’électricité des végétaux. Part. I. chap. VI.

Quelque grande que soit l’énorme quantité d’eau qui s’évapore de la ſurface des mers, les lacs, les marais, les fleuves, les rivières, &c., n’en fourniſſent pas une quantité moindre proportionnellement. Il ſuffit, pour en être convaincu, de dire que le nombre des fleuves qui ont leur embouchure dans la mer, eſt conſidérable, puiſqu’en en trouve quatre cent trente dans l’ancien monde, & cent quatre-vingt dans le nouveau, dont pluſieurs ont douze, quatorze, ſeize cents lieues & plus de longueur : le nombre des petits fleuves & des rivières eſt prodigieux, & par conſéquent fournit à l’atmoſphère une grande quantité de vapeurs par l’évaporation.

La terre même donne auſſi une étonnante quantité de vapeurs ; car il réſulte des expériences de M. Baſin, (hiſtoire de l’académie royale des ſciences,1741) que la terre, humectée tous les jours, fournit plus de vapeurs qu’un vaſe dans lequel on auroit mis une égale quantité d’eau. D’un autre côté, on ne ſauroit douter qu’en général, la ſurface du globe ne ſoit conſtamment humectée, par les pluies, les roſées, les bruines, les brouillards, les vapeurs que l’air tient en diſſolution, celles que les vents transportent, les eaux qui coulent au-deſſous de la ſuperficie de la terre, &c. &c. D’après cet expoſé, il eſt évident que la quantité d’eau qui s’élève de la ſurface de la terre, eſt énorme.

À quelle ſomme étonnante ne ſe portera-t-elle pas, ſi nous examinons les autres cauſes qui fourniſſent des vapeurs aqueuſes à la maſſe entière de l’atmoſphère ? La ſurface de la terre eſt par-tout couverte d’une infinité de végétaux divers, depuis ces tapis de mouſſes & de liquens, juſqu’à ces forêts immenſes, dont le nombre eſt ſi conſidérable. Il y plus de vingt-cinq mille eſpèces de plantes ; qui pourroit compter le nombre prodigieux d’individus de chaque famille, qui exhalent conſtamment dans l’atmoſphère des parties aqueuſes ? Le célèbre Hales a obſervé qu’une de ces plantes, qu’on nomme ſoleil, & qui n’avoit que 3 pieds & demi de hauteur, fourniſſoit, par la tranſpiration, ſeulement en douze heures de jour, une livre & quatorze onces d’eau, quantité qui, priſe ſur un pied moyen, doit être réduite à une livre quatre onces leſquelles donnent trente-quatre pouces cubiques d’eau. Un petit pommier, élevé dans un vaſe, donna neuf onces ou quinze pouces cubiques & demi ; & un citronnier trente-ſix onces ou dix pouces cubiques, & un tiers, &c. L’obſervation nous ayant appris qu’un arbre ordinaire a communément vingt mille feuilles, & que chaque feuille tranſpire dix grains par jour ; la tranſpiration totale d’un arbre, ſera donc de deux cent mille grains, ou plus de vingt-ſix livres. Ces quantités différentes de vapeurs, exhalées, multipliées par le nombre des individus de chaque eſpèce, & ajoutées aux réſultats que fourniſſent toutes les eſpèces différentes de végétaux qui peuplent toute la ſurface de la terre, préſenteront une quantité énorme d’eau, que la raiſon conçoit, mais que l’imagination la plus accoutumée au merveilleux, ne peut se figurer.

Combien d’animaux n’exiſtent pas ſur la terre ? On ſeroit fort embarraſſé de décider si la variété ne l’emporte pas ſur le nombre. Chaque animal eſt ſoumis aux loix d’une tranſpiration conſtante. Bornons-nous ici à un ſeul exemple. La tranſpiration de l’homme, évaluée ſur un pied moyen, eſt, ſelon Keill, de trente-une onces en vingt-quatre heures. D’après cette ſuppoſition, je trouve par le calcul, que la tranſpiration annuelle eſt de onze mille trois cent quinze onces, ou ſept cent ſept livres d’eau. On a même démontré par le calcul, que trois cents hommes, placés ſur la ſurface d’un arpent, exhaleroient en moins d’un mois, par la tranſpiration, une matière reſpiratoire, pour former une atmoſphère de même baſe & de ſoixante-dix pieds de hauteur. Selon les calculs de M. Templemann, ſi toute la terre étoit peuplée comme l’Angleterre, il y auroit quatre mille neuf cent ſoixante millions d’hommes ſur la ſurface du globe ; & ſi le nombre des habitans de la terre étoit proportionnel à celui de ceux qui ſont dans la Hollande, il y en auroit trente-quatre mille ſept cent vingt millions. Au lieu de trente-une onces que chaque homme tranſpire, ne prenons qu’à-peu-près la moitié de cette quantité, ſeize onces ou une livre, afin qu’on ne nous accuſe pas de porter l’évaluation trop haut ; nous trouverons que la ſomme de la tranſpiration de tous les hommes, en un ſeul jour, ne ſera pas moindre que trois cent quarante-ſept milliards deux cents millions de livres d’eau ; produit qui auroit été preſque double, ſi nous ne l’avions diminué de moitié. Si on ajoute à cette quantité celle des animaux des diverſes familles qui habitent la terre entière, on aura un réſultat au moins double, lequel, avec le précédent, ſormeroit un billion quarante-un milliards ſix cents millions de livres d’eau. Que seroit-ce, ſi à ce réſultat on ajoutoit le produit de tant de cauſes accidentelles, & de révolutions phyſiques qui arrivent ſur toute l’étendue de la ſurface du globe de la terre ?