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Les expériences ſont ici d’accord avec le raiſonnement ; car on voit tous les jours pluſieurs liquides & même des ſolides, augmenter notablement de poids, étant expoſés à l’air ; ce qui ne peut venir que de l’eau répandue dans l’atmoſphère, qui eſt attirée & abſorbée par ces corps. L’acide vitriolique & même tous les acides minéraux, dans des vaiſſeaux qui ne ſont point bouchés, acquièrent bientôt un poids plus conſidérable ; il en eſt de même de quelques autres liquides. L’alkali fixe végétal, bien ſec, n’attire-t-il pas puiſſamment l’humidité de l’air ? Auſſi ſon poids, au bout de quelque temps, devient-il trois fois plus grand. Tous les extraits ſecs de la plupart des matières, tirées du règne végétal, n’abſorbent-ils pas en peu de temps une certaine quantité de cette humidité qui eſt répandue dans l’atmoſphère ? La chaux-vive qui, par la calcination, a été privée de l’eau & du gaz dont elle étoit ſaturée dans l’état de pierre calcaire, cette chaux-vive ne s’éteint-elle pas à l’air, en s’emparant d’une aſſez grande quantité de l’eau que l’air tenoit en diſſolution ? Cette eau, attirée par les ſubſtances en qui on remarque la propriété de la déliqueſcence ou de la cauſticité, exiſtoit dans l’air, elle y étoit en quantité conſidérable, puiſque ces matières diverſes en attirent beaucoup, & que leur poids en eſt plus ou moins augmenté. Quelque part, par exemple, qu’on mette une livre d’alkali fixe végétal, dans un état de ſiccité, il attirera l’humidité de l’air, & bientôt cet alkali, tombé en deliquium, pèſera trois livres. Si on avoit expoſé à l’air, cent livres de ce ſel, on auroit eu deux cents livres d’eau tirées de l’atmoſphère ; & l’expérience auroit réuſſi, quelque-part qu’on l’eût placé ſur la ſurface de la terre, & même juſqu’à la hauteur des montagnes. Car M. Bouguer a prouvé, dans ſon ouvrage de la figure de la terre, que les vapeurs aqueuſes s’élevoient encore plus haut ; ce ſavant géomètre a même fixé à quatre mille quatre cents toiſes, la hauteur extrême des vapeurs, ce qui les porte à une lieue environ au-deſſus des plus hautes montagnes, & rend croyable ce que pluſieurs phyſiciens ont aſſuré, que les vapeurs répandues dans l’atmoſphère, ſont le tiers de ſa maſſe.

Indépendamment des vapeurs aqueuſes qui s’élèvent à tout inſtant de la ſurface de la terre, il y a une infinité d’exhalaiſons & d’émanations qui s’échappent des différentes ſubſtances animales, végétales & minérales, non-ſeulement combinées avec l’eau, ſoit immédiatement ſoit par le moyen de quelque intermède. Je pourrois ici faire pour ce qui regarde les exhalaiſons, un expoſé ſemblable à celui qu’on vient de lire pour les vapeurs aqueuſes ; mais il eſt facile d’y ſuppléer. Ceci ſuppoſé, on ne pourra s’empêcher de conclure que la maſſe d’air qui, par l’hypothèſe, auroit primitivement formé l’atmoſphère, n’ait dû bientôt devenir un mixte très-compoſé, d’air, de vapeurs aqueuſes, d’exhalaiſons & d’émanations animales, végétales & minérales de tous genres & de toutes eſpèces, qui ſe ſeront combinées d’une infinité de manières. Que deviennent en effet, tant de ſubſtances qui, par l’évaporation, ſe diſſipent en tout ou en partie ; tant de fluides, tant de ſolides qui diſparoiſſent de deſſus la ſurface de la terre ; toutes ces matières volatiles & odoriférantes dont il ne reſte pas enſuite de traces ; toutes ces ſubſtances que le feu conſume & élève en fumée, depuis la plus petite combuſtion juſqu’à celle de ces nombreux volcans qui couvrent la ſurface de la terre ? Ne ſe mêlent-elles pas inconteſtablement avec la maſſe de l’atmoſphère ? Ce ſont ſans doute ces conſidérations qui ont déterminé un auteur moderne, à regarder l’atmoſphère comme un grand vaiſſeau chimique, dans lequel la matière de toutes les eſpèces de corps ſublunaires flotte en grande quantité. Ce vaiſſeau eſt, dit-il, comme un grand fourneau continuellement expoſé à l’action du ſoleil ; d’où il réſulte une quantité innombrable d’opérations, de ſublimations, de ſéparations, de compoſitions, de digeſtions, de fermentations, de putréfactions, &c.

Les nouvelles connoiſſances que la ſcience des gaz a procurées, nous prouvent que les mélanges qui s’opèrent dans l’air de l’atmoſphère, ſont encore plus compliqués ; car un grand nombre de gaz divers ſe forment & s’élèvent dans l’atmoſphère ; il y a du gaz inflammable, (ou gaz hydrogène) du gaz fixe, (ou gaz acide carbonique) du gaz azote ; en un mot, toutes les eſpèces de gaz connues, & toutes celles dont nous n’avons encore aucune idée, & qu’on découvrira à meſure que nos connoiſſances s’étendront & ſe perfectionneront. Toutes les fermentations qui arrivent ſur toute la ſurface de la terre, produiſent du gaz fixe, du gaz inflammable, &c. les putréfactions fourniſſent du gaz fixe, du gaz azote, &c. les efferveſcences qui arrivent en grand dans la nature, les combuſtions, les incendies, les exploſions des volcans, les météores divers, &c. &c. donnent naiſſance à une grande quantité d’eſpèce de gaz et de combinaiſons de ces différentes ſortes de fluides élaſtiques, qui ſe feront deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, &c. & feront infiniment varier la compoſition de l’atmoſphère.

On peut confirmer ces vérités générales par des faits inconteſtables ; car il eſt prouvé qu’il y a pluſieurs ſubſtances qui ſe transforment en fluides aériformes, à des degrés de chaleur ſemblables à ceux dans leſquels nous vivons, dès qu’on diminue la preſſion de l’atmoſphère ; qu’il y en a d’autres, qui, au degré habituel de preſſion de l’atmoſphère, ſe transforment en fluides aériformes à des degrés de chaleur voiſins ou ſupérieurs à ceux dans leſquels nous vivons ; & qu’il y en a auſſi pluſieurs qui ſont conſtamment dans l’état aériformes au dégré habituel de chaleur & de preſſion de l’atmoſphère : ſi on place, (figure 126) ſous le récipient