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d’une machine pneumatique un petit vaſe d’éther ſulfurique, dont l’ouverture ſoit fermée par une veſſie bien aſſujettie ; & qu’après avoir fait le vuide, on perce la veſſie par le moyen d’une tige pointue qui paſſe au travers de la boîte à cuir du récipient dans lequel on aura encore placé un baromètre, l’éther ſe vaporiſera & ſe transformera en un fluide aériforme qui pourra ſoutenir en été le baromètre à vingt-cinq pouces : cette expérience réuſſit auſſi avec tous les fluides évaporables. Dans les mémoires de l’académie 1787, Messieurs Lavoisier & de la Place ont encore prouvé par voie d’expérience, que l’éther ſoumis à une preſſion égale à celle de l’atmoſphère, le baromètre étant à 28 pouces de mercure, il entre en ébullition, c’eſt-à-dire, ſe vaporiſe & ſe transforme en fluide élaſtique ou gaz, lorſque le thermomètre de mercure eſt à 32 ou 33 degrés ; & qu’il en eſt de même pour l’eſprit-de-vin à une température, au-deſſus de 67 degrés, & pour l’eau au-deſſus de 80 ; d’où il réſulte que l’éther eſt tout prêt de ne pouvoir exiſter ſur notre globe, que dans l’état aériforme ; que si la peſanteur de notre atmoſphère n’équivaloit à une colonne de 20 ou 24 pouces de mercure, au lieu de 28, on ne pourroit obtenir l’éther dans l’état liquide, au moins dans l’été, & que ſur les montagnes un peu élevées, l’éther ſe convertiroit en gaz, à meſure qu’il ſeroit formé. Ajoutons qu’il eſt d’autres ſubſtances, telles que l’acide marin ou muriatique, l’alkali volatil ou ammoniac, l’acide carbonique ou air fixé, l’acide ſulfureux, &c. qui demeurent conſtamment dans l’état aériforme, au degré habituel de la chaleur, & de preſſion de l’atmoſphère. Ajoutons encore qu’on doit regarder, avec M. Lavoiſier, comme un principe général déduit d’un grand nombre d’expériences, que preſque tous les corps de la nature ſont ſuſceptibles d’exiſter dans trois états différens : dans l’état de ſolidité, dans l’état de liquidité & dans l’état aériforme ou de gaz ; que ces trois états d’un même corps dépendent de la quantité de feu ou calorique qui lui eſt combinée. Il me paroît donc démontré que ſi par différentes cauſes, la preſſion de l’atmoſphère, diminue ou la quantité de caloriques augmente, il y aura pluſieurs eſpèces de gaz qui ſe formeront & ſe mêlerons dans la maſſe de l’atmoſphère, & que notre atmoſphère eſt le réſultat & le mélange, 1o. de toutes les ſubſtances ſuſceptibles de ſe vaporiſer ou plutôt de reſter dans l’état aériforme, au degré de température dans lequel nous vivons, & à une preſſion égale au poids d’une colonne de mercure de 28 pouces de hauteur ; 2o. de toutes les ſubſtances fluides ou concrètes, ſuſceptibles de ſe diſſoudre dans cet aſſemblage de différens gaz. Voyez CALORIQUE, GAZ.

Pour rendre cette théorie plus claire, conſidérons un moment avec M. Lavoiſier, (traité élémentaire de chimie, page 29) ce qui arriveroit aux différentes ſubſtances qui compoſent notre globe terraquée, ſi la température en étoit tout-à-coup changée. Suppoſons qu’il fût tranſporté dans la région de la planète de mercure, par exemple, où la chaleur habituelle eſt de beaucoup ſupérieure à celle de l’eau bouillante : bientôt l’eau, tous les fluides ſuſceptibles de s’évaporiſer à des degrés voiſins de l’eau bouillante, & le mercure lui-même, entreroient en expanſion ; ils ſe transformeroient en fluides aériformes ou gaz qui deviendroient parties de l’atmoſphère. « Ces nouvelles eſpèces d’air se mêleroient avec celles déjà exiſtantes, & il en réſulteroit des décompoſitions réciproques, des combinaiſons nouvelles, juſqu’à ce que les différentes affinités ſe trouvant ſatisfaites, les principes qui compoſeroient ces différens airs ou gaz, arrivaſſent à un état de repos. Mais une conſidération qui ne doit pas échapper, c’eſt que cette vaporiſation même auroit des bornes : en effet, à meſure que la quantité des fluides élaſtiques augmenteroit, la peſanteur de l’atmoſphère s’accroîtroit en proportion : or, puiſqu’une preſſion quelconque eſt un obſtacle à la vaporiſation ; puiſque les fluides les plus évaporables peuvent réſiſter, ſans ſe vaporiſer à une chaleur très-forte, quand on y oppoſe une preſſion proportionnellement plus forte encore ; enfin, puiſque l’eau elle même & tous les liquides peuvent éprouver dans la machine de Papin, une chaleur capable de les faire rougir, on conçoit que la nouvelle atmoſphère arriveroit à un degré de peſanteur tel que l’eau qui n’auroit pas été vaporiſée juſqu’alors, ceſſeroit de bouillir, & reſteroit dans l’état de liquidité ; en ſorte même que dans cette ſupposition, comme dans toute autre de même genre, la peſanteur de l’atmoſphère seroit limitée, & ne pourroit excéder un certain terme. On pourroit porter ces réflexions beaucoup plus loin, & examiner ce qui arriveroit aux pierres, aux ſels & à la plus grande partie des ſubſtances fuſibles qui compoſent le globe : on conçoit qu’elles ſe ramolliroient, qu’elles entreroient en fuſion & formeroient des fluides.

Par un effet contraire, ſi la terre ſe trouvoit tout-à-coup placée dans des régions très-froides, l’eau qui forme aujourd’hui nos fleuves & nos mers, & probablement le plus grand nombre des fluides que nous connoiſſons, ſe transformeroit en montagnes ſolides, en rochers très-durs, d’abord diaphanes, homogènes & blancs comme le criſtal de roche ; mais qui, avec le temps, ſe mêlant avec des ſubſtances de différente nature, deviendroient des pierres opaques diverſement colorées. L’air, dans cette ſuppoſition, ou au moins une partie des ſubſtances aériformes qui le compoſent, ceſſeroient sans doute d’exiſter dans l’état vapeurs élaſtiques, faute d’un degré de chaleur ſuffiſant ; elles reviendroient donc à l’état de liquidité, & il en réſulteroit de nouveaux liquides dont nous n’avons aucune idée.

Ces deux ſuppoſitions extrêmes font voir claire-