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En effet, la différence dans le poids de l’air en différens temps, eſt meſurée par la hauteur du mercure dans le baromètre, & comme la plus grande variation dans la hauteur du mercure eſt de trois pouces, il s’enſuit que la plus grande différence entre la preſſion de l’air ſur notre corps, ſera égale au poids d’un cylindre de mercure de trois pouces de hauteur, qui auroit une baſe égale à la ſurface de notre corps. Or, un pied cube de mercure étant ſuppoſé de 1 064 livres, c’eſt-à-dire, de 102 244 dragmes, on dira, comme 102 244 dragmes ſont à un pied cube, ou à 1 728 pouces cubes, ainsi 59 dragmes ſont à un pouce cube. Un pouce cube de mercure pèſe donc environ 59 dragmes ; & comme il y a 144 pouces quarrés dans un pied quarré, un cylindre de mercure d’un pied quarré de baſe, & de trois pouces de hauteur, doit contenir 432 pouces cubes de mercure, & par conſéquent pèſe ou 25 488 dragmes. Répétant donc 15 fois ce même poids, on aura dragmes = 382 320 = 47 790 onces = 3 982 livres, pour le poids que la ſurface de notre corps ſoutient en certain temps plus qu’en d’autres.

Il n’eſt donc pas ſurprenant que le changement de température dans l’air affecte ſi ſenſiblement nos corps & puiſſe déranger notre ſanté : mais on doit plutôt s’étonner qu’il ne faſſe pas ſur nous plus d’effet. Car quand on conſidère que nous ſoutenons dans certain temps près de 4 000 livres de plus que dans d’autres, & que cette variation eſt quelquefois très-ſoudaine, il y a lieu d’être ſurpris qu’un tel changement ne briſe pas entièrement le tiſſu des parties de notre corps.

Nos vaiſſeaux doivent être ſi reſſerrés par cette augmentation de poids, que le ſang devroit reſter ſtagnant, & la circulation ceſſer entièrement, ſi la nature n’avoit ſagement pourvu à cet inconvénient, en rendant la force contractive du cœur d’autant plus grande, que la réſiſtance qu’il a à ſurmonter de la part des vaiſſeaux eſt plus forte. En effet, dès que le poids de l’air augmente, les lobes du poumon ſe dilatent avec plus de force ; & par conſéquent le ſang y eſt plus parfaitement diviſé : de ſorte qu’il devient plus propre pour les ſécrétions les plus ſubtiles, par exemple, pour celles du fluide nerveux, dont l’action doit par conſéquent contracter le cœur avec plus de force. De plus, le mouvement du ſang étant retardé vers la ſurface de notre corps, il doit paſſer en plus grande abondance au cerveau, ſur lequel la preſſion de l’air eſt moindre qu’ailleurs, étant ſoutenue par le crâne ; par conſéquent, la ſecrétion & la génération des eſprits ſe fera dans le cerveau avec plus d’abondance, & conſéquemment le cœur en aura plus de force pour porter le ſang dans tous les vaiſſeaux où il pourra paſſer, tandis que ceux qui ſont proches de la ſurface ſeront bouchés.

Le changement le plus conſidérable que la preſſion de l’air plus ou moins grande produiſe dans le ſang, eſt de le rendre plus ou moins épais, & de faire qu’il ſe reſſerre dans un plus petit eſpace, ou qu’il en occupe un plus grand dans les vaiſſeaux où il entre. Car l’air qui eſt renfermé dans notre ſang, conſerve toujours l’équilibre avec l’air extérieur qui paſſe la ſurface de notre corps ; & ſon effort pour ſe dilater eſt toujours égal à l’effort que l’air extérieur fait pour le comprimer ; de manière que ſi la preſſion de l’air extérieur diminue tant ſoit peu, l’air intérieur ſe dilate à proportion, & fait par conſéquent occuper au ſang un plus grand eſpace qu’auparavant. Voyez CHALEUR, FROID, &c.

Borelli explique de la manière ſuivante la raiſon pour laquelle nous ne ſentons point cette preſſion. De mot. à grav. fac. prop. 291 &c.

Après avoir dit que du ſable bien foulé dans un vaiſſeau dur, ne peut être pénétré ni diviſé par aucun moyen, pas même par l’effort d’un coin ; & que de même l’eau contenue dans une veſſie qu’on comprime également en tous ſens, ne peut ni s’échapper ni être pénétré par aucun endroit, il ajoute : « De même, il y a dans le corps d’un animal, un grand nombre de parties différentes, dont les unes, comme les os, ſont dures ; d’autres ſont molles, comme les muſcles, les nerfs, les membranes ; d’autres ſont fluides, comme le ſang, la lymphe, &c. Or, il n’eſt pas poſſible que les os ſoient rompus ou déplacés dans le corps, à moins que la preſſion ne devienne plus grande ſur un os que ſur l’autre, comme nous voyons qu’il arrive quelquefois aux porte-faix. Si la preſſion ſe partage de manière qu’elle agiſſe également en bas, en haut & en tous ſens, & qu’enfin toutes les parties de la peau en ſoient également affectées, il eſt évidemment impoſſible qu’elle puiſſe occaſionner aucune fracture ou luxation : on peut dire la même choſe des muſcles & des nerfs, qui ſont à la vérité, des parties molles, mais compoſées de parties ſolides, par le moyen deſquelles ils ſe ſoutiennent mutuellement, & réſiſtent à la preſſion. Enfin la même choſe a lieu pour le ſang & les autres liqueurs ; car comme l’eau n’eſt ſuſceptible d’aucune condenſation ſenſible, de même les liqueurs animales contenues dans les vaiſſeaux, peuvent bien recevoir une attrition par la force qui agît ſur tel ou tel endroit des vaiſſeaux, mais elles ne peuvent être forcées à en ſortir par une preſſion générale ; d’où il s’enſuit que, puiſqu’aucune des parties ne doit ſouffrir ni ſéparation, ni luxation, ni contuſion, ni enfin aucune ſorte de changement par la preſſion de l’air, il eſt impoſſible que cette preſſion puiſſe produire en nous l’effet de la douleur, qui eſt toujours l’effet de quelque ſolution de continuité. » Cela ſe confirme par ce que nous voyons arriver aux plongeurs.

La même vérité eſt appuyée par une expérience