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long-temps marché ou combattu, on n’en est pas plus près du but.


BIE


BIÈRE. La bière eſt une liqueur produite par la fermentation ſpiritueuſe des graines farineuſes, mais plus communément par celle de l’orge. On attribue l’invention de cette boiſſon aux égyptiens, qui, privés de la vigne, cherchèrent dans la préparation des grains dont ils abondoient, le moyen d’imiter le vin, & c’est de leur pays que l’uſage de la bière a paſſé dans les autres contrées du monde. Cette liqueur ne tarda pas à être connue dans les gaules, & ce fut pendant long-temps la boiſſon de ſes habitans. Au temps de Strabon, la bière étoit commune dans les provinces du Nord, en Flandre & en Angleterre.

Il n’eſt pas de notre objet de traiter de la manière de faire la bière ; il ſuffit d’obſerver que la bière en fermentation donne une grande quantité de gaz fixe ou gaz acide carbonique de la nouvelle nomenclature (voyez cet article), qu’on peut faire avec facilité dans une braſſerie où ſont des cuves de bière en fermentation diverſes expériences ſur le gaz fixe, telles que d’en remplir des vaiſſeaux par la ſeule peſanteur ſpécifique du gaz plus grande que celle de l’air ; de préſenter des bougies allumées qui s’y éteignent auſſi-tôt ; d’y mettre des oiſeaux & d’autres animaux qui tombent ſubitement en aſphixie ; d’impregner de gaz fixe l’eau, ſoit en la verſant d’un vaſe dans un autre, à pluſieurs repriſes dans l’atmoſphère de la cuve, ſoit de toute autre façon, &c., & de former ainſi une eau gazeuse, une eau aérée, comme celles de Spa, de Pyrmont, &c., ſi utiles à la ſanté dans pluſieurs circonſtances ; de rougir la teinture de Tourneſol, &c. ; expériences dont le détail a été fait à l’article Gaz acide carbonique.

On ne ſera donc pas ſurpris que la bière, ainſi que toutes les liqueurs ſpiritueuſes, contiennent beaucoup de gaz fixe, même après la fermentation ; & que, miſes ſous le récipient de la machine pneumatique, en petite quantité dans un grand bocal, elles ne mouſſent conſidérablement lorſqu’on ôte la preſſion de l’air atmoſphérique. Ce dégagement du gaz a lieu dans la bière lorſqu’elle eſt en liberté ; mais l’effet en eſt bien plus conſidérable dans le vide. Quelques lignes de bière au fond du bocal mouſſent à un point étonnant ; de ſorte qu’on ne voit plus que de la mouſſe qui augmente à meſure qu’on fait agir la machine pneumatique. On croiroit voir une ruche tranſparente, dont les cellules exagonales ſont parfaitement prononcées ; mais dès qu’on rend l’air, la preſſion de l’air extérieur comprimant le gaz fixe, réduit la liqueur à son premier volume ; c’eſt un reſſort ou plutôt une ſuite de pluſieurs reſſorts qui ſe ſont débandés par la ſuppreſſion d’un obſtacle, & qu’une nouvelle compreſſion remet dans ſon premier état.

La bière contenant beaucoup de gaz fixe, qui tend toujours à ſe développer dès qu’il ſera libre, il n’eſt pas étonnant que cette liqueur ſoit enivrante. Ariſtote même parle de l’ivreſſe que cauſe la bière ; Théophraſte l’a appelée vin d’orge.


BIN


BINOCLE. C’eſt un double téleſcope, par le moyen duquel on peut voir en même temps un objet quelconque avec les deux yeux : auſſi le nomme-t-on téleſcope binoculaire. On en aura une idée claire ſi on ſe figure deux lunettes parallèles entre elles, & dont la diſtance reſpective ſoit égale à celle qui ſe trouve entre les deux yeux de l’obſervateur ; la monture des deux tuyaux de lunette qui renferment des verres de même force, eſt telle que, par le moyen de quelques vis, on peut les éloigner ou les approcher.

Pour trouver ſans un trop long tâtonnement la diſtance qui doit être entre les centres des objectifs & des oculaires d’un binocle, c’eſt-à-dire, entre les deux axes optiques de cet inſtrument, on n’a qu’à faire meſurer avec un compas, dont les pointes ſoient très-fines, la longueur exacte d’un des yeux de l’obſervateur & doubler cette longueur, parce que la diſtance du centre d’un œil au centre de l’autre eſt égale à deux fois la longueur de l’un des deux.

C’eſt dans le ſiècle dernier que, dans l’intention de perfectionner la viſion, on imagina de ſe ſervir de deux objectifs pour regarder avec les deux yeux. On penſe aſſez généralement qu’en regardant un objet avec les deux yeux, il exiſte réellement deux images de cet objet, peintes ſéparément dans chaque œil, lesquelles, à ce qu’on croit, ſe réuniſſent dans le cerveau, en s’appliquant l’une ſur l’autre pour produire une ſenſation unique ; d’où il ſuit qu’en ſuppoſant égales en intenſité les deux images qui contribuent à produire cette ſenſation, on doit voir beaucoup mieux avec les deux yeux qu’avec un ſeul, parce qu’une ſenſation reçue par deux impreſſions eſt plus forte : ce n’eſt pas qu’on voie l’objet ſous un plus grand angle avec deux lunettes, dit M. Bailly (Hiſtoire de l’Aſtronomie moderne, tom. II, p. 139) ; mais il en réſulte beaucoup plus de clarté, & nous jugeons toujours les objets éclairés plus proches de nous.

Le père de Rheita, capucin, dans ſon oculus Enoch & Eliœ, eſt le premier qui a eu l’idée du binocle, & qui l’a exécuté. Il aſſure qu’il a vu les objets beaucoup plus grands & plus éclairés, c’eſt-à-dire, qu’ils les a jugés beaucoup plus près de lui, parce qu’il les avoit vu beaucoup plus éclairés en les regardant avec les deux yeux.

Le P. Chérubin, du même ordre, a écrit ſur les binocles, & s’eſt beaucoup occupé de l’art de les conſtruire & de faire aiſément mouvoir les oculaires.