brouillards, les balles s’écartoient mutuellement. L’effet étoit plus ſenſible lorſque la brume étoit parvenue à ſon plus haut degré d’épaiſſiſſement ; quand elle ſc réſolvoit en pluie, la répulſion étoit plus conſidérable, & augmentoit en proportion de la groſſeur des gouttes.
L’électromètre, placé ſur la fenêtre de mon grenier, m’a ſingulièrement ſervi pour déterminer la nature des nuages qui commençoient à paroître. Quoique leur électricité fût généralement très-forte, cependant elle étoit la plupart du temps incertaine, tantôt négative, tantôt poſitive. Comme le vent & la pluie mettoit des obſtacles aux ſuccès de mes expériences, j’imaginai les moyens ſuivans, qui m’ont très-bien réuſſi.
Je me ſuis quelquefois placé dans une chambre fort élevée, ſur un plateau de cire, & avançant la main droite hors de la fenêtre ; je tenois une longue baguette de bois entourée d’un fil d’archal, dont le bout excédoit de quelques pouces l’extrémité de la baguette ; je tenois en même temps de la main gauche un électromètre ; alors je faiſois électriſer rapidement par un aide le verre ou la cire.
Un autrefois je fis uſage d’un tube d’étain de 20 pieds de longueur conique & terminé en pointe ; la plus grande longueur ſortoit hors de la chambre ſans être en contact avec aucun corps, & le gros bout auquel étoit ſuſpendu l’électromètre étoit fixé à l’intérieur de la fenêtre avec des cordons de ſoie, ou avec des bâtons de cire à cacheter, ſoutenus à chaque extrémité par des crochets de fil d’archal.
Souvent par le moyen de cet appareil, j’ai découvert que le brouillard cauſoit, en paſſant, des changemens particuliers qui ſe ſuccédoient, & des alternatives de l’électricité poſitive & négative, & qu’ils paſſoient quelquefois du négatif au poſitif. Les balles s’approchoient enſemble à chaque extrémité, à chaque temps, reſtoient en contact quelques ſecondes, & ſe repouſſoient enſuite de nouveau.
Il n’eſt pas poſſible de déterminer la durée de chaque eſpèce d’électricité dans les brouillards, ni la longueur du temps qu’il eſt poſſible de la reconnoître. Il ſurvient quelquefois une électricité qui eſt la même que celle qui l’a précédée, & quelquefois c’eſt une autre. Tout cela ſe paſſe ainſi & par degrés, mais les changemens ſont bien plus apparens & plus rapides lorſque les éclairs brillent, & ſur-tout ſi le tonnerre eſt dans le zénith.
Lorſque je l’avois ainſi ſur ma tête, il occaſionnoit les plus fortes électricités que j’euſſe pu encore découvrir, ſur-tout ſi l’atmoſphère étoit ſombre & couverte de nuages. On pourroit peut-être conclure de ces expériences qu’une eſpèce d’électricité agiſſant ſeule, exerce de plus grands effets que lorſqu’elle ſe trouve avec une autre qui agit en ſens contraire.
J’ai obſervé une fois dans un temps d’orage que les balles exerçaient ſur elles-mêmes un pouvoir électrique de repulſion & d’attraction pendant l’abſence des éclairs ; je parle ici de celles qui étoient ſuſpendues au tube d’étain. Ce petit manège duroit ſans interruption pendant dix ou douze ſecondes ; en même temps les balles de l’électromètre de M. Canton, que je tenois à une telle diſtance du tube qu’elles pouvoient s’éloigner d’un pouce mutuellement, reſterent tranquillement dans cet état, tandis que les autres étoient extrémement agitées.
Ces différens effets m’invitent à penſer que la même électricité ſuit la même direction ; & lorſque cette circonſtance arrive, les balles ſont affectées évidemment de la même manière. Il faut obſerver ici que j’ai découvert plus aiſément l’eſpèce d’électricité préſente dans le tube, en approchant la cire électriſée des boules d’un électromètre que je tenois à quelque diſtance du tube, que lorſque j’approchois des balles ſuſpendues au tube même ; en général elles divergent ſi fortement, qu’il eſt difficile d’avoir sur la main un petit tube de verre, ou de la cire électriſée pour faire l’expérience.
Il eſt arrivé quelquefois que les boules du tube d’étain ſe ſont repouſſées ſubitement en conſéquence d’un éclair, & ſe ſont réunies auſſi-tôt après qu’il a diſparu ; dans ce cas l’air étoit dans un état humide : j’ai même cru que l’équilibre étoit rendu entre la terre & les nuages les plus bas, & que ceux-ci recevoient leur électricité des nuées plus élevées, ou que cela étoit dû à l’effet latéral de quelque exploſion.
Deux ou pluſieurs perſonnes placées à des diſtances convenables pourroient convenir par signes de la nature de l’électricité ; ſavoir, avec un pavillon rouge pour l’électricité poſitive, & avec un pavillon bleu pour l’électricité négative. On auroit par ce moyen des réſultats beaucoup plus curieux & plus ſatiſfaiſans que ceux qu’on a eu juſqu’à ce jour, relativement à l’électricité des nuées & du tonnerre, ſans avoir recours à l’appareil des fils de métal ni des chaînes ». Tranſactions philoſophiques, tom. 63.
Ces obſervations étoient trop intéreſſantes pour ne pas les rapporter ; car la phyſique d’obſervations eſt une branche importante de la phyſique en général : j’oſerois même dire qu’elle eſt une partie de la phyſique expérimentale, puiſque les phénomènes de la nature qu’on obſerve, ſont les expériences de la nature elle-même.
M. Henley a fait auſſi des expériences & des obſervations ſur l’électricité des brouillards, en con-