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AIM

neau de la clef, celle-ci tournera très-vîte en pirouettant, ſans que la ſéparation ait lieu.

C’eſt par un effet de l’énergie de cette attraction, que les aimans armés portent des poids très-conſidérables. Voyez Armure. Dans le cabinet de la ſociété royale de Londres, il y a un aimant naturel dont la force attractive ſe fait ſentir à environ neuf pieds de diſtance. L’hiſtoire de l’académie des ſciences de Paris fait mention d’une pierre d’aimant de onze onces qui portoit 28 livres de fer, c’eſt-à-dire, plus de 40 fois ſon poids. (année 1702, page 18.)

La force d’un aimant dépend en général, & toutes choſes égales, de ſa groſſeur ; un aimant plus gros, ſoit naturel, ſoit artificiel, eſt plus fort qu’un plus petit. Cependant on a vu des aimans de petites dimenſions attirer de plus loin & porter davantage que de grands aimans. L’homogénéïté & la dureté, la couleur noire, ſont en général des indices qui annoncent de bons aimans. La manière de tailler une pierre d’aimant contribue beaucoup à ſa force, en ne lui faiſant rien perdre de ſes avantages naturels.

L’attraction magnétique eſt d’autant plus grande, que la diſtance où elle s’exerce eſt plus petite, comme on le verra bientôt ; & au point de contact, elle eſt, toutes choſes égales, la plus grande poſſible. On peut faire aiſément ces ſortes d’expériences par le moyen de la balance, comme dans la figure 336. Voyez Attraction magnétique.

Les aimans artificiels attirent & portent de plus grands poids que les aimans naturels ; & rien n’approche de la force de ceux dont nous allons parler.

De ſes premiers eſſais, M. l’abbé le Noble fit deux aimans en fer à cheval beaucoup plus forts que ceux qu’on connoiſſoit. Le premier qui ne peſoit qu’un peu plus de 5 livres ; &, avec ſes vis, écrous, contacts, &c. 6 livres, juſte, portoit 100 livres. Si on lui donne quelques livres de moins, par exemple, ſi on ne lui fait porter que 90 livres, il reſte toujours chargé. Au point de 100 livres le contact quitte. Dans cette ſéparation, cet aimant perd beaucoup, comme cela arrive en général à tous les aimans ; et il tombe tout de ſuite à 38 livres environ. Il acquiert par la ſuite, en le chargeant par dégrés, & en lui donnant peu à la fois ; mais ne revient jamais à ſa première force.

Le ſecond aimant, plus volumineux, produiſoit de plus grands effets, il peſoit entre 16 & 17 livres & portoit 195 livres, un homme, par conſéquent. Lorſque le contact ou porte-poids ſe ſéparoit par cette charge, qui, avec précaution, pouvoit aller à 200 livres, il ne portoit plus dans cette inſtant que 74 à 75 livres. Le troiſième qui peſoit quinze livres, portoit encore davantage, il m’a ſoutenu avec quelques poids acceſſoires, et malgré quelques mouvemens, je n’ai pu ſéparer le contact de l’aimant. Ces aimans ſont compoſés de pluſieurs barreaux courbés en fer à cheval.

Quoique l’aimant puiſſe porter, par ſa force attractive, des poids très-conſidérables, tels que ceux de pluſieurs hommes ; par exemple, nous regardons néanmoins comme des faits ſuppoſés, ceux qui ſont rapportés par quelques écrivains. On dit que le tombeau de Mahomet eſt ſoutenu au haut de la moſquée, à la Mecque, par une groſſe pierre d’aimant. Il n’y a point d’aimant connu qui approche de la groſſeur néceſſaire pour produire cet effet. Un bon morceau d’aimant, ſéparé (comme il doit être pour produire un effet conſidérable) des parties hétérogènes, n’a jamais de grandes dimenſions : d’ailleurs, il faudroit qu’il fût armé, car un aimant ſans armure ne porte que des poids peu conſidérables. Or, jamais l’ignorance, qui a toujours régné parmi les mahométans, ne leur a permis de connoître cette partie de la phyſique, qui ne peut ſe paſſer de phyſiciens & d’artiſtes habiles. De plus, pour produire l’effet dont nous parlons, il faudroit avoir recours aux aimans artificiels, & la méthode de les conſtruire, qui eſt toute nouvelle, étoit bien loin d’être connue à l’époque dont nous parlons, &c. &c. ; mais ce qui tranche la difficulté, c’eſt que Bernier aſſure (abrégé de la philoſophie de Gaſſendi, tom. V, liv. 3 ch. 3, p. 323) qu’ayant été dans le pays, le ſépulcre de Mahomet n’eſt pas à la Mecque, mais à Médine, & qu’on n’y a jamais entendu parler ni d’une voûte d’aimants ni de cette ſuſpenſion.

C’eſt également ſans aucune vraiſemblance que Manethon, cité par Plutarque, aſſure que les égyptiens avoient ſuſpendu, par le moyen de l’aimant, des ſtatues du Soleil & de Sérapis. (Ruffin, lib. 6, cap. 22). On a dit encore que les babyloniens avoient placé dans le célèbre temple de Bélus à Babylone, la ſtatue du ſoleil qui, ſoutenue en l’air par deux pierres d’aimant, paroiſſoit ſans aucun ſupport. Ceci rappelle l’idée plaiſante d’un écrivain qui propoſoit de s’élever en l’air par le moyen de l’aimant : il ſuffiſoit, ſelon lui, d’avoir une boule d’aimant & une boule de fer qu’on jetteroit en l’air alternativement, comme on le fait en jouant avec deux oranges.

C’eſt encore ſans fondement que Strabon & le géographe Nudian ont ſuppoſé qu’il y avoit au milieu de la mer des rochers purement magnétiques qui arrêtoient, & fixoient ſans retour, les vaiſſeaux toujours conſtruits avec un grand nombre de clous & de bandes de fer. Rien n’eſt plus abſurde, puiſque des roches d’aimant ne pourroient exercer leur activité à une auſſi grande diſtance que celle qui ſeroit néceſſaire pour produire cet effet ; que les mines d’aimant ſont toujours mélangées de ſubſtances hétérogènes, & qu’il eſt rare, même dans l’iſle d’Elbe où les mines de fer ſont ſi abondantes, de trouver de gros morceaux d’aimant qui vaîllent