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Fig. 42. Riposte après avoir trompé la parade du poignard.


PLANCHE XIV. De la garde espagnole marquée A attaquée par la garde françoise.

Fig. 43. Les Espagnols, en faisant des armes, ont une méthode tout-à-fait opposée à celle des autres nations. Ils donnent souvent un coup sur la tête de leur adversaire qu'on appelle coup d'estramaçon, ensuite tirent un coup de pointe entre la gorge & les yeux. Leur garde est presque droite. Ils s'alongent très-peu; lorsqu'ils s'approchent, ils plient le genou droit, tendent le gauche & portent le corps en-avant. Lorsqu'ils s'éloignent, ils plient le genou gauche, tendent le droit, effacent beau-coup le corps en-arriere, & parent souvent de la main gauche ou esquivent le coup en portant le pié droit derriere le gauche. Leur épée a près de cinq piés de longueur de la garde à la pointe, & la lame a le fil des deux côtés; la coquille est fort large & est traversée par derriere d'une barre qui sort de deux pouces de chaque côté. Ils s'en servent souvent pour faire sortir l'épée de la main de leur adversaire, en la liant fortement, surtout lorsqu'ils ont à combattre une longue épée; ce qui leur seroit très-difficile vis-à-vis d'une épée courte. Leur garde ordinaire est de tenir leur épée en tierce haute & la pointe sur la ligne du visage. Ils font des appels & tirent des demi-bottes au visage, portent aussi-tôt le corps en arriere, forment un cercle avec la pointe de l'épée sur la gauche, tendent en même tems le bras, avancent le corps pour donner le coup d'estramaçon, & se remettent promptement droits en tenant la pointe de leur épée sur la ligne du visage de leur adversaire.

De la garde espagnole combattue après la parade du coup d'estramaçon.

Fig. 44. Si on se sert d'une épée de longueur ordinaire, & si on essuie la premiere attaque, on se défendra aisément contre l'épée d'un espagnol & on sera peu embarrassé de son jeu. Il faut se mettre en garde hors de mesure la main tournée en tierce, la tenir un peu plus haute que dans la garde ordinaire & ne pas s'ébranler des mouvemens qu'il pourroit faire. S'il tiroit le coup d'estramaçon, il faudroit le parer de tierce haute, hausser le poignet & baisser le corps, serrer la mesure d'une grande semelle, & riposter en tirant à fond un coup de seconde, & tenant la pointe plus basse que dans le coup ordinaire, afin qu'il ne pare pas cette riposte de la main gauche. Le coup tiré se remettre promptement en garde en tierce, caver un peu le poignet, rechercher son épée, dans le même tems porter le pié droit près du pié gauche pour s'éloigner de sa pointe, alors on est en état de gagner du terrein avec le pié gauche.

Si l'adversaire tire un coup de pointe, soit au visage soit au corps, il faut le parer en dégageant de tierce en quarte & tenant le poignet sur la ligne de l'épaule, dans le même tems serrer la mesure d'une grande semelle pour gagner son ser autant qu'il est possible, & lui riposter à fond un coup de quarte. S'il cherche à parer la riposte avec la main gauche, on doit faire feinte de la tirer en faisant une grande attaque du pié pour tromper ladite parade de sa main gauche, & achever le coup suivant les principes expliqués; revenir promptemeur à l'épée en tenant la pointe directement à son visage & redoubler à fond quarte basse. Le coup achevé se remettre en garde en tierce, & passer le pié droit par-derriere le pié gauche.

Quoiqu'il soit très-aisé à celui qui a une épée courte à la main de désarmer celui qui a une épée à l'espagnole, après avoir gagné sa lame, on ne conseille à personne de le tenter, crainte de ne pouvoir saisir la garde de ladite épée ou d'avoir la main & les doigts coupés par les deux tranchans de l'épée ennemie.

On ne conseille pas même de faire de croisé d'épée ni de donner de coup de fouet, parce que les Espagnols en mettant l'épée à la main, passent les deux premiers doigts dans deux anneaux, qui sont près de la garde, & avec les deux autres doigts & le pouce serrent la poignée de leur épée. Ainsi il est évident qu'aucune des opérations ci-dessus nommées ne réussiroit.

Garde de l'epée & manteau attaquée par l'épée & lanterne.

Fig 45. L'épée & manteau, qui sont d'un usage très-ancien dans toute l'Italie, n'ont jamais été défendus par les gouvernemens, comme l'ont été l'épée & poignard dans plusieurs états.

Le manteau est offensif & défensif. Il est offensif, parce que ceux qui savent s'en servir adroitement sont en état de nuire beaucoup à leur adversaire. Il y a plusieurs manieres de le jetter; on peut non-seulement en couvrir la vûe à son ennemi, mais aussi la lame de son épée. Si au contraire on n'a pas l'adresse de s'en servir, on pourroit soi-même s'en couvrir la tête ou embarrasser son épée & par-là être à la discrétion de son adversaire. Il est défensif, parce qu'il peut servir à parer les coups de tranchant soit à la tête, soit au visage ou au ventre dans le cas ou ces deux derniers seroient donnés au-dedans des armes.

Il faut parer avec l'épée les coups que l'adversaire tire au-dehors & au-dessous des armes, secourir l'épée avec le manteau & riposter au corps.

Pour se servir bien du manteau, on doit enveloper son bras gauche avec une partie dudit manteau, laisser tomber l'autre partie, avoir attention qu'elle ne tombe pas plus bas que les genoux, & prendre garde, si on est obligé après une longue défense de baisser le bras gauche pour le reposer, de ne pas laisser trainer ledit manteau par terre ni devant les piés, crainte, en marchant dessus, de faire un faux pas & de tomber.

Si on se trouve fatigué du bras gauche, on peut le faire reposer en le laissant tomber à côté de soi, mais tenir le manteau un peu éloigné de la cuisse, faire une passe en-arriere & peu après se remettre en défense. Si on n'a pas assez de terrein pour faire cette passe, on peutappuyer le bras gauche contre sa hanche, tenir toujours l'épée en garde & parer vivement du cercle.

Il est aisé à un homme, qui sait bien se défendre avec l'épée & le poignard, de se servir du manteau, parce que cette défense exige un coup-d'œil juste & vif. En cas de besoin on pourroit aussi se défendre avec une canne & un manteau, contre une épée; car après avoir paré le coup de pointe, avec ladite canne, dans le même tems serrer la mesure sur son ennemi sans quitter son épée & lui couvrir la tête avec ledit manteau. Pour faire cette opération, il faut avoir non seulement une grande habileté & expérience dans les armes, mais aussi beau-coup de sens-froid, de fermeté & de résolution.

Il est aussi très-nécessaire de bien connoître la mesure pour se servir à-propos du manteau. Pour exécuter adroitement son coup, on doit donner un peu de jour à son adversaire, afin de l'engager à y tirer: alors sans nullement chercher sa lame avec l'épée, effacer le corps en-arriere, dans le même tems jetter le pendant du manteau sur sa lame, traverser promptement la ligne, & lui riposter ayant la main tournée en quarte.

Fig. 46. L'épée & lanterne combattue par l'épée & manteau.

PLANCHE XV. Explication de la garde de l'épée & lanterne.

Quoiqu'on punisse très-sévérement ceux qui sont surpris l'épée à la main tenant une lanterne sourde, on ne laisse pas encore d'en rencontrer quelquefois. C'est pourquoi on a pensé qu'il ne seroit pas indifférent d'en donner l'explication & d'enseigner la maniere de s'en défendre. Ceux qui se servent de lanterne sourde, la cachent sous leur habit ou manteau, & lorsqu'ils ont dessein d'attaquer quelqu'un, ils l'ouvrent avant de tirer l'épée, la presentent devant eux, au-dessus de leur tête ou de côté en passant le bras par-derriere le dos, & changent de position à mesure que leur adversaire change de terrein.

S'il présente la lanterne par-devant & si l'on est muni d'une bonne épée, il faut couvrir avec le manteau le dedans des armes, donner un coup ferme en quarte sur la lame de l'adversaire & aussi-tôt un autre coup du tranchant de l'épée dans la lanterne en tenant la main en tierce. Le coup doit partir de la droite à sa gauche