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Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/140

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La plupart souhaite qu’il joue les Bonaparte au 18 Brumaire. Le patriotisme l’emporte sur le républicanisme. En somme, la majorité de la France souhaite l’écrasement de la révolution russe. Certains parlent de faire la paix sur le dos de la Russie. Mais alors, agrandirait-on cette Allemagne qu’on voulait détruire ?

— Défense de railler dans la presse la casquette de Poincaré. Jusqu’ici le symbole de la tyrannie, c’était le chapeau de Gessler, qu’il fallait saluer. Que dire de cette casquette, qu’il faut respecter ?

— Deux dames, dans un train de banlieue : « Mon chien a eu une crise effroyable. J’ai cru qu’il mourrait. Il a eu quatorze attaques. C’est si pénible, etc. ». Je pense aux tranchées.

— Le 14. Déjeuner avec Anatole France au Palais d’Orsay. Il dit que tout le monde veut la guerre et craint la paix : les femmes, qui appréhendent le retour du mari et, en général, tous les haut-salariés.

Il me signale cette perle, cueillie dans une critique militaire sur la dernière offensive : « Nos pertes sont ridicules. »

Il n’envisage pas de crise prochaine d’effectifs. Mais il déclare que les hommes en ont assez. La réponse de Wilson au Pape, refusant de signer la paix avec les Hohenzollern, le frappe d’angoisse. Il craint aussi d’être inquiété. La Tranchée républicaine, suspendue, avait publié à son insu une lettre de lui à Richtenberger, où il raillait sur la paix avec ou sans victoire.

J’apaise Anatole France et je lui apprends que son grand nom a empêché qu’on sévît contre les signataires — dont il était — de l’Appel aux Femmes publié par les Nations.

— Une dame parlait de la guerre avec le poète Raoul Ponchon. Elle se lamentait sur l’horreur des