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Page:Envers de la guerre - tome 2-1916-1918.djvu/224

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crever, avec une rapidité et une philosophie inquiétantes. Grâce à de formidables sacrifices, les boches ont crevé sur 80 km. les lignes increvables. Voilà qui justifie les prévisions de Mangin en avril 17. Mais nous sommes accourus à la rescousse avec une décision et une précision remarquables. Instantanément, la ligne de l’Oise est barrée. Des poilus vigilants passent sur la rive droite et prennent la place des locataires qui avaient déménagé à la cloche de bois devant l’huissier menaçant. La charnière est désormais à l’est d’Amiens. Le corridor sur Paris paraît fermé. Vos concitoyens n’ont pas à déménager. Restent les avions et les gros canons. Mais ceux-ci tirent rarement et s’usent vite. Amiens reste préoccupant. La voie ferrée est coupée. Alors ? Nouvelle cristallisation ? Jusqu’à quand ? En attendant les Américains ?

— Et Paris fout le camp. On ne dit pas tout droit qu’on met sa famille à l’abri : « Oh ! Nous allions tous les ans en villégiature à cette époque-ci. » Le mot de Lucien Guitry fait fortune : « Nous, nous ne partons pas pour les mêmes raisons que les autres : c’est parce que nous avons peur. » Les jusqu’auboutistes sont en majorité dans les partants. C’est logique : les riches sont conservateurs, donc belliqueux. Mais ils ne voulaient pas réaliser la guerre. C’est maintenant qu’ils prennent conscience du péril. Et pouvant le fuir, ils le fuient. Un journal avancé a publié cette caricature : deux hommes, dans le désert de la rue : « Nous ne sommes plus qu’entre espions. »

— Le 14. L’empereur d’Autriche déclare qu’on a faussé le texte de sa lettre : « Il examinerait ce qu’il pouvait y avoir de juste dans les revendications… » Clemenceau réplique en le traitant de « conscience pourrie ». Il se porte garant de l’authenticité de la lettre impériale, dont il n’a pas toutefois