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Histoire d’un paysan.

« C’est alors que j’eus ma première colère contre cet homme. » (Page 168.)
« C’est alors que j’eus ma première colère contre cet homme. » (Page 168.)

je croyais entendre ma mère lorsqu’elle revenait de la messe des prêtres réfractaires, dans la montagne : c’était le capucin Éléonore qui parlait par sa bouche ! Finalement levant les yeux, il étendit ses grands bras en disant :

« L’heure de la miséricorde est venue… À tout péché miséricorde ! J’arrive dans les derniers, mais il n’est jamais trop tard. Ta miséricorde, ô mon Dieu ! est infinie.

— Mais, Valentin, où donc allez-vous ? » lui dis-je.

« Toi, fit-il, en me regardant comme pour voir s’il devait me répondre, je puis te dire où je vais ; — ton cœur est avec nous, sans le savoir ; ton égarement vient des autres ; — tu n’en dira rien à personnel ! Et quand même tu

le dirais, qu’est-ce que cela pourrait faire ? Ce qui est écrit est écrit, la ruine de Babylone a sonné ; avant que cette neige soit fondue chacun sera récompensé selon ses œuvres… Toi, tu seras épargné… oui, tu seras épargné ! Mais ces arbres, regarde ces arbres, Michel, ils ploieront sous le poids des patriotes pendus après, et leurs-branches casseront à force d’être chargées. »

Toutes ces vieilleries me rendaient triste.

« Sans doute, Valentin, lui dis-je, je vous crois, c’est bien possible ; mais, en attendant, vous allez quelque part ?

— Je vais à Mayence, dit-il, en regardant la vieille qui dormait ; je vais rejoindre nos bons princes, et d’abord l’homme selon Dieu, Mgr le comte d’Artois. C’est en lui que repose notre