« Mais là, j’ai fait le sacrifice de mon humiliation au seigneur. » (Page 33.)
C’était malheureusement trop vrai. Que peuvent faire des malheureux qui ne savent pas même lire ? Que peuvent-ils faire, entre les dents d’un Robin ? Ils sont bien forcés de se laisser dévorer tout vivants.
Il nous fallut plus d’une année pour payer les neuf gros écus et ravoir le billet. À la fin, M. Robin disait que nous lui donnions trop d’écritures, et qu’il ne voulait plus recevoir d’aussi petites sommes. Je lui répondis que c’était très-bien, que nous allions consigner l’argent chez M. le prévôt, et il s’adoucit.
Finalement, quand je rapportai le billet, la mère en sautait de joie ; elle aurait voulu pouvoir le lire, et criait :
« C’est fini !… C’est bien fini ! Tu es sûr que c’est fini, Michel ?
— Oui, j’en suis sûr.
— Nous n’aurons plus de corvées pour Robin ?
— Non, ma mère.
— Lis voir un peu. »
Tous autour de moi se penchaient, la bouche ouverte, en écoutant, et quand à la fin je lus : « Payé ! » ils se mirent à danser ; on aurait cru des sauvages qui se réjouissent. La mère criait :
« La chèvre ne nous broutera plus l’herbe sur le dos ! Ah ! ce n’est pas malheureux !… Nous en a-t-elle fait faire, des corvées !… »
Et quelque temps après, M. Robin s’étant arrêté devant la baraque, pour demander si nous avions besoin d’argent, elle prit la fourche et courut sur lui comme une furieuse, en criant :