Page:Erckmann–Chatrian — Histoire d’un paysan.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
Histoire d’un paysan.


« Non, tout fond sur les pauvres, tout est contre eux. » (Page 37.)

reprise, je l’ai pincé tout de même sous le teton droit, un peu proprement. Il n’a pas seulement dit : pipe ! et c’était fini. Tout le régiment s’est réjoui. On m’a donné quarante-huit heures de salle de police, parce que j’ai la main malheureuse ; mais le major, chevalier de Mendell, a fait passer un panier de sa table pour Nicolas Bastien, un panier de vins fins et de viandes : c’était ça ! Nicolas avait fait gagner Royal-Allemand, on pouvait bien le régaler, Depuis, j’ai l’estime de mes supérieurs. Et si vous savez ce qui se passe ici, comme cette canaille de bourgeois se remue, principalement les robins, si vous savez ça, vous devez comprendre que l’occasion de se distinguer ne manque pas. Pas plus tard que le 27 août dernier, le command-

dant

du guet, Dubois, nous a fait charger la canaille, sur le Pont-Neuf ; et tout ce jour, jusqu’à minuit, nous n’avons fait que lui passer sur le ventre, à la place Dauphine, à la place de Grève et partout. Si vous aviez vu le lendemain quel massacre nous avons fait dans la rue Saint-Dominique et la rue Meslée, vous auriez dit : Ça va bien ! — J’étais le premier sur la droite de l’escadron, au 2e  rang ; tout ce qui passait à la hauteur était rasé. Le lieutenant-colonel de Reinach, après la charge, disait que les robins n’auraient plus envie de piper. Je crois bien, ils en ont-vu de dures ! Voilà ce qui montre la beauté de la discipline : quand l’ordre arrive, il faut que tout marche ; vous auriez père et mère, frère et sœur devant vous, on passe

4