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Histoire d’un paysan.

En arrière-plan un pont, derrière lequel une ville . Sur le pont une statue de dos. En avant plan une troupe à cheval sur la rive progresse vers le pont. Derrière la troupe des corps au sol.
Le 27 août 1788. — Lettre de Nicolas. (Page 49.)

— Non.

— Et tu n’as rien dit ?

— Qu’est-ce que vous vouliez que je dise ? »

Alors elle se fâcha, et se mit à crier.

« Tiens, tu n’es qu’une bête ; et cette fille est encore plus bête que toi, de te vouloir. Qu’est-ce que nous sommes donc auprès d’eux ? »

Elle était toute verte de colère. Moi, je la regardais tranquillement sans répondre. Le père dit :

« Laisse Michel tranquille ; ne crie pas si fort. »

Mais elle n’écoutait plus rien, et continua :

« A-t-on jamais vu un imbécile pareil ? Moi qui depuis six mois attire cette grande bique de Létumier chez nous, pour faire avoir du

bien au garçon ; une vieille avare, qui ne parle que de ses champs, de sa chénevière, de leurs vaches !… Je supporte tout… je patiente… Et puis quand c’est fini, quand il va tout agrafer, ce gueux-là refuse ! Il se croit peut-être un seigneur ; il croit qu’on va courir après lui. Ah ! mon Dieu, peut-on avoir des êtres aussi bêtes dans sa famille ; ça fait frémir !… »

Je voulus répondre, mais elle me dit :

« Tais-toi ! Tu finiras sur un fumier, et nous avec. »

Et comme je me taisais, elle recommença :

« Oui, monsieur refuse !… Passez donc votre vie à nourrir des Nicolas, des Michel, des vauriens qui se font racoler ; car bien sûr que celui-ci s’est aussi fait racoler quelque part… Les gueuses ne manquent pas dans le pays !…