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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/19

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L’AMI FRITZ.

autour de son berceau ; pour avoir sauté sur ses vieilles cuisses maigres, en lui tirant la barbiche ; pour avoir appris le yudisch[1] de sa propre bouche ; pour s’être amusé dans la cour de la vieille synagogue, et enfin pour avoir dîné tout petit dans la tente de feuillage que David Sichel dressait chez lui, comme tous les fils d’Israël, au jour de la fête des Tabernacles.

Tous ces souvenirs se mêlaient et se confondaient dans l’esprit de Fritz avec les plus beaux jours de son enfance ; aussi n’avait-il pas de plus grand plaisir que de voir, de près ou de loin, le profil du vieux rebbe[2], avec son chapeau râpé penché sur le derrière de la tête, son bonnet de coton noir tiré sur la nuque, sa vieille capote verte, au grand collet graisseux remontant jusque par-dessus les oreilles, son nez crochu barbouillé de tabac, sa barbiche grise, ses longues jambes maigres, revêtues de bas noirs formant de larges plis, comme autour de manches à balais, et ses souliers ronds à boucles de cuivre. Oui, cette bonne figure jaune, pleine de finesse et de bonhomie, avait le privilège d’égayer Kobus plus que toute autre à Hunebourg, et du plus loin qu’il l’apercevait dans

  1. Patois composé d’allemand et d’hébreu.
  2. Rabbin.