la rue, il lui criait d’un accent nasillard, imitant le geste et la voix du vieux rebbe :
« Hé ! hé ! vieux posché-isroel[1], comment ça va-t-il ? Arrive donc que je te fasse goûter mon kirschenwasser. »
Quoique David Sichel eût plus de soixante-dix ans, et que Fritz n’en eût guère que trente-six, ils se tutoyaient et ne pouvaient se passer l’un de l’autre.
Le vieux rebbe s’approchait donc, en agitant la tête d’un air grotesque, et psalmodiant :
« Schaude…, schaude…[2], tu ne changeras donc jamais, tu seras donc toujours le même fou que j’ai connu, que j’ai fait sauter sur mes genoux, et qui voulait m’arracher la barbe ? Kobus, il y a dans toi l’esprit de ton père ; c’était un vieux braque, qui voulait connaître le Talmud et les prophètes mieux que moi, et qui se moquait des choses saintes, comme un véritable païen ! S’il n’avait pas été le meilleur homme du monde, et s’il n’avait pas rendu des jugements à son tribunal, aussi beaux que ceux de Salomon, il aurait mérité d’être pendu ! Toi, tu lui ressembles, tu es un épikaures[3] ; aussi je te pardonne, il faut que je te pardonne. »